Il est des conjonctions spatio-temporelles étonnantes. J’avais prévu d’aller à Londres, participer à la UnConvention du Fortean Times…..
et je me suis retrouvé……………

Dossier Rennes-le-Château

Philippe Marlin ©

Jeudi 4 avril 2002 :

André Douzet passe la soirée à Paris avec sa fille Iris, tous deux en transit pour Londres avec votre serviteur. Occasion rêvée pour une rencontre avec Jean-Luc Chaumeil afin de faire un point approfondi sur l’état actuel des sciences saunièrologiques.

A ma droite, JLC qui prépare un nouveau livre sur RLC, une sorte de testament dans lequel il démontera pièce par pièce la mystification de Plantard ; et il dispose assurément de beaux biscuits, puisqu’il possède les versions originales des parchemins sulfureux (Grand et Petit Parchemins), ainsi qu’une longue notice de Philippe de Cherisey expliquant comment il les a fabriqué.
A ma gauche André Douzet, bien connu dans les milieux châteauistes pour avoir mis la main sur une maquette topographique, commandée par l’abbé Saunière peu avant sa mort. Une maquette qui sous prétexte de représenter les lieux saints mettrait en scène une portion de terrains de la région d’Opoul/Périllos et guiderait le cherchant sur de bien étranges pistes. N’y est-il pas indiqué l’endroit du Tombeau de Joseph d’Arimatie et plus encore de celui du Christ ?
Et notre brave Dédé de frapper d’entrée un grand coup ; il sort une cassette vidéo et nous montre ce qu’il a filmé dans la grotte correspondant au point 1 (Joseph d’Arimatie) : une lourde tombe en effet que JL Chaumeil débunke immédiatement comme étant d’origine carolingienne. Ce que conteste l’homme de Durban en faisant valoir que la grande épée gravée sur le dessus n’est pas dans la tradition de l’époque. Il nous montre ensuite une photo représentant l’entrée du point numéro 1 (Christ), protégée par une large pierre. Il précise qu’il n’a pas « forcé » l’entrée, car sa femme le lui a interdit : « C’est trop dangereux ».
Pour donner encore plus de crédibilité à ses propos, André sort de son « sac à dos-bibliothèque » le rapport Courtade de 1632. Un vieux manuscrit rédigé par un notaire de la région dans lequel il est indiqué que les parcelles de terrains concernées ne doivent pas être divisées, car elles abritent un « tombeau royal ».
La discussion s’enflamme autour d’un dîner indien commandé sur internet. Le vin coule à flots drus et JL Chaumeil balaye d’un revers de main mon petit rosé, préférant un liquide plus sanguin ! Les critiques habituelles formulées à l’encontre d’André Douzet sont bien évidemment reprises, et notamment la plus cruciale : « mais, qu’est ce qui nous prouve que tu n’as pas inventé tout cela de toutes pièces et fabriqué la maquette de tes propres mains ? ». André nous explique comment il a découvert cet objet chez un ferrailleur de la région d’Aix ; que la dite maquette n’est pas un objet unique et qu’il en existe au moins une autre version, répertoriée dans un ouvrage religieux (l’Evangile de Jésus) ; que cette maquette représente incontestablement une portion du territoire d’Opoul/Périllos, et ce du fait d ’un « détail topographique incontestable ».
La question évidente est posée par JL : « Mais puisque tu as fait une découverte fantastique, pourquoi la garder pour toi ? Pourquoi ne pas te rapprocher du Ministère de la Culture, des Monuments Historiques etc.... ? ». Réponse embrouillée d’André d’où il ressort qu’il se méfie des autorités et ne veut pas se faire dépouiller de ses « trésors ».
Le café ardennais brûle dans les tasses ; Iris dort paisiblement. Jean-Luc Chaumeil nous narre ses souvenirs savoureux de l’époque Plantard/de Chérisey et nous nous quittons à l’heure du laitier. « Il est cinq heures, Paris s’éveille »......


Vendredi 5 avril 2002 :

Je retrouve notre Douzetologue et Iris dans un bistrot de la Gare du Nord à Paris pour un déjeuner rapide avant de prendre l’Eurostar.
André a rencontré ce matin un cinéaste qui réalise une émission sur RLC, qui sera certainement diffusée sur Arte et fera l’objet d’une version cassette. Nos têtes sont pour le moins embrumées après la nuit chaumeillante !

Quelques mots pour comprendre le voyage à Londres qui nous attend. A l’origine des temps, le but était simple en ce qui me concerne, à savoir participer à la UnConvention du Fortean Times, une grande manifestation de para-sciences où l’on parle d’ufologie, de crytpozoologie, de conspiration mondiale et autres sujets passionnants ! Puis j’ai rencontré Stella Maris sur internet, laquelle cherchait à établir la connection avec André Douzet. André ne parlant pas anglais, s’en est suivi pour votre serviteur quelques mois de traductions laborieuses pour permettre aux deux protagonistes d’échanger sur Périllos, le Temple et autres thèmes sulfureux. Puis la décision a été prise de mettre André dans ma valise et d’organiser une rencontre.

Le téléphone portable sonne et m’arrache d’une douce torpeur dans laquelle le ronronnement de l’Eurostar vient de me plonger. C’est Jean-Luc Chaumeil : « écoute Philippe, j’ai réfléchi suite à notre discussion d’hier ; une fois mon nouveau livre publié, je mettrai en vente les vrais-faux parchemins de Saunière ; c’est officiel et tu peux le dire à tes amis anglais ». Ce que je ferai sans imaginer alors la violence des polémiques que cela déclenchera.... Un chercheur anglais du nom de Paul Smith se considère comme le « représentant officiel de Chaumeil en Grande Bretagne » et s’étranglera de ne pas avoir été le porteur de la dite nouvelle..... Sont fous ces anglishes, fous et hélas violents. J’en ferai les frais avec Stella.

André me détaille une autre face de ses activités, la réalisation d’expositions. Il possède le matériel traitant de trois sujets : la sorcellerie, les loups et l’ésotérisme de Charles Perrault. Affaire à suivre.

18 heures gare de Warterloo. Stella, de son vrai prénom Robin, nous attend. Sentiment étrange de se connaître depuis des éons alors que c’est une première rencontre. Elle respire le dynamisme et la résolution. Je l’appellerai « Captain »..... Faut pas mollir avec elle ! Elle remet dans le taxi à Iris un guide vert de Londres en français, et deux plans de la capitale..... Petit stop à l’hôtel et en route pour le O’Conordon, un pub irlandais dont la réputation est à le mesure des vibrations karmiques notre équipe. Repaire d’agents secrets américains ; base d’Ordres Templiers du meilleur tonneau ! On ne pouvait mieux choisir.
Echange de cadeaux pour entretenir l’amitié ; André offre à Robin la version officielle de ses cahiers-fanzines sur RLC et Périllos, ainsi que quelques crus gouleyants du Roussillon. Robin nous remet des huiles et des encens, ainsi que pour votre serviteur un petit poisson en verre bleu.... Clin d’oeil (du Sphinx) au Marlin Bleu !

La Guinness coule à flot dans le verre d’André qui a décidé de jouer au british pur et dur..... La mousse onctueuse sur les lèvres, il ouvre son sac à dos bibliothèque et exhibe à nouveau le fameux rapport Courtade. Robin s’étrangle, au bord de l’épectase..... « Mais pourquoi garder tout cela pour toi ? Il faut publier tous ces documents ; il faut enfin se décider de travailler sérieusement ? ». Une discussion qui fait en quelque sorte écho à celle d’hier soir avec Jean-Luc.
Mon regard se croise avec celui de Robin : « c’est incroyable »......... André attaque sa troisième Guinness, les effluves de la soirée d’hier sont totalement effacées. Nous préférons déguster avec Robin un Volney capiteux alors qu’Iris s’endort.... Les agents secrets américains sont tellement discrets qu’on ne les repère pas....
La discussion roule maintenant sur l’Ordre du Temple et sur d’ineffables documents secrets dont la prudence la plus élémentaire m’oblige à taire le nom :))). André promet de les communiquer rapidement à notre amie anglaise.
Nous nous quittons avec regret, le sourire du Baphomet au fond de nos yeux.


Samedi 6 avril 2002 :

André découvre les joies du petit déjeuner à l’anglaise et, tout en engloutissant force saucisses et bacon, me parle les larmes aux yeux de la Guinness de la veille. L’estomac lesté, j’emmène mes compagnons faire un petit tour de Londres. Robin doit encore dormir profondément ; elle nous a en effet prévenu que le matin « elle était morte »..... Les yeux d’Iris brillent comme un sapin de Noël illuminé. C’est son premier grand voyage, avec un doublé gagnant : Paris et Londres d’un seul coup !
La capitale britannique rutile sous un soleil éclatant ; le quartier de Buckingham Palace et de Westminster est pour le moins embouteillé. Il est vrai que Queen Mam vient de nous quitter et les sujets de Sa Gracieuse Majesté n’hésitent pas à faire des queues invraisemblables pour saluer leur bonne mamie.
Midi, nous arrivons au Commonweath Institute où se déroule la UnConvention du Fortean Times. Une Convention à l’anglaise, dans des locaux confortables et bien agencés. Petit tour des stands où il est possible de faire provision des meilleurs ouvrages zharbis de la planète. Mais notre point de ralliement est celui de la Saunière Society où André doit dédicacer son livre. Je fais bien sûr allusion au « Saunière’s Model », publié par Adventures Unlimited. Un livre édité sans avoir signé aucun contrat et pour lequel l’auteur n’a pas reçu de droits, ne serait ce que sous forme d’une pinte de Guinness. Mais ceci est une autre histoire.

Accueil charmant des Millar, un couple british bon enfant, tout entier dévoué à leur passion. André taille son crayon, incrédule...... Il rencontre enfin...... ses lecteurs. J’en profite pour mettre au point avec les Millar notre rencontre à RLC. Rendez vous est pris pour le mardi 7 mai à l’hôtel Donjon à Carcassonne où séjournera le groupe de saunièrologues britanniques. « Ce sera la soirée de notre grande party »...... Hum.......... André viendra avec son sac à dos bibliothèque :)))))
J’offre un petit coup de blanc à l’homme de Durban pour lui permettre de tenir le choc des dédicaces. La Convention est à peine ouverte que le stock est déjà pratiquement réduit à néant.
Les estomacs sont de plus en plus creux, et nous nous dirigeons vers le restaurant où nous rencontrons Marcus Williamson, un anglais de Rennes-les-Bains, passionné d’histoire locale et notamment par celle de Notre Dame de Marceille ; il s’intéresse également à l’alchimie et découvrons que nous avons un ami commun, Fabrice Bardeau de Couiza. Nous rencontrons également un couple d’enfer, Lynn Picknet et Clive Prince, co-auteurs de la fameuse « Révélation des Templiers » dont nous avons abondamment parlé sur Serpent_Rouge. Robin nous rejoint, son stage dans sa crypte mortuaire étant manifestement terminé. Clive sommeille et n’a visiblement pas la pêche. Robin, dont la générosité n’est plus à démontrer, lui offre un splendide sweat shirt noir, orné de dragons rouges. De quoi repartir d’un bon pied.
Nous attaquons une énorme patate garnie de thon et de crème. Marcus veille au grain et apporte une bouteille de rouge, indispensable pour déglutir ce mets particulièrement délicat.
Robin propose de nous emmener faire son tour du Londres ésotérique, particulièrement célèbre dans les milieux initiatiques les plus confidentiels ! J’hésite trente secondes et choisit de me joindre à l’équipe, ratant par voie de conséquence l’indispensable conférence de Robin (une autre) Simmons sur la localisation de l’Arche de Noé........

Première étape au British Museum. Le Necronomicon est hélas en consultation et nous ne pourrons palper sa couverture en peau humaine. Robin nous conduit directement à l’endroit où sont exposés quelques objets de John Dee, et notamment son miroir magique. Notre amie anglaise est un véritable GO et a du mal à dissimuler son stress. Les membres de l’équipe ont tendance à s’éparpiller pour contempler les richesses exposées. « Où est Clive ? où est André ? »....... Et puis, oh surprise. Nous tombons pile poil sur un pilier wisigothique, le jumeau de celui de RLC. André, qui s’est fait offrir par les Millar une copie des vrais-faux parchemins de Saunière, les extirpe de son sac à dos bibliothèque. Nous les déposons sur le pilier pour l’indispensable photo........ Mais nous serons rappelés à l’ordre par la gardienne de la salle. Nous avons beau lui expliquer que nous sommes sur la piste de Saunière à Londres, elle ne veut rien savoir......

Seconde étape au quartier du Temple de Londres. Un endroit étonnant. L’église des Templiers est hélas fermée, mais nous pouvons contempler, en haut d’une colonne, le fameux cheval et ses deux cavaliers....... Et puis, mais il n’y a pas de coïncidence aujourd’hui, nous tombons, au détour d’une rue, sur..... le balustre en bois de RLC. Nouvelle photo avec les vrais-faux parchemins.


Un petit coup de bus. Iris est rose de plaisir de monter dans cet engin rouge tomate. Arrêt à la National Gallery pour découvrir le tableau de Léonard de Vinci longuement décrypté dans « la Révélation des Templiers »..... Un Christ enfant sur fond de paysage razétien. Robin offre à Iris un joli tee shirt décoré par un soleil ironique.
Dernière étape à l’église Notre Dame de France, décorée par Cocteau et également longuement étudiée par Picknett & Prince. Nous participons à une tombola à l’entrée, le premier prix est un billet aller-retour en Eurostar pour Paris. Robin croise les doigts, peut être est ce la bonne formule pour financer son voyage en France et rejoindre notre expédition pour RLC le mois prochain. La fresque de Cocteau est superbe et son analyse ésotérique demanderait des pages entières. Flash back : je revois les décorations de la chapelle des pêcheurs à Villefranche-sur-Mer, elle aussi décorée par Cocteau, et d’un ésotérisme torride. Mais le poète n’était-il pas l’un des nautonniers du Prieuré de Sion ? :)))
Nous brûlons quelques bougies pour conforter le bon équilibre karmique de l’équipe........

Nous traversons le quartier de Covent Garden....... Je tombe en extase devant une sex shop dont l’enseigne porte le non de LOVECRAFT ! Mais les gosiers sont particulièrement secs et nous allons nous réfugier au bar très sélect du Mountbatten hôtel. Champagne et petits toasts, il faut bien cela pour nous remettre de nos émotions. André plonge dans son sac à dos-bibliothèque et propose une nouvelle fois d’admirer son rapport Courtade. Malgré les siècles, le manuscrit a la peau dure ; après avoir échappé hier aux larmes de Guinness, il résiste vaillamment aujourd’hui aux bulles de champagne. « Mais comment as-tu découvert ce document ? » demandent nos amis anglais. Sans doute à cause de l’alcool pétillant, mes traductions se font de plus en plus embrouillées. Il est question d’un notaire, d’hommes en noir, de rafales d’armes automatiques........ Dieu merci, ma mémoire a effacé les détails....

Et puis c’est le dîner de gala, organisé par Robin dans un restaurant très frenchie, « Mon Plaisir »...... Clive continue de sommeiller alors qu’André désespère ; son apéritif favori, le picon bière, est inconnu de la maison ; il essaye de se rattraper avec une suze, breuvage tout aussi superbement ignoré. Bon, une bonne bouteille de Pouilly Fuissé fera l’affaire. La conversation démarre sur les dettes karmiques de Stella, puis dévie sur les oeuvres de Breyer qu’André affirme pouvoir décrypter sans problème. Marcus sort de dessous la table un gros sac, voulant montrer que lui aussi possède une bibliothèque portable. Il fait un excellent travail de traduction d’ouvrage régionaux et de reprints de documents oubliés. Il m’offre un exemplaire du Lasserre sur Notre-Dame de Marceille.
La soirée se termine sur un air de Calvados............


Dimanche 7 avril 2002 :

nouvelle épreuve du petit déjeuner à l’anglaise ; d’un commun accord avec André, nous évitons les haricots à la sauce tomate pour nous contenter d’un bacon croustillant et d’oeufs brouillés moelleux. Et nouvelle matinée touristique, cette fois à la Tour de Londres et au London Bridge. Les sujets de sa Gracieuse Majesté font toujours la queue sous un soleil glacial.........
11 heures ; comme convenu, j’appelle Robin pour m’assurer qu’elle est toujours en vie. Ce qui est le cas........ Elle se propose de nous rejoindre dans une heure, après s’être lavé les cheveux :-)
Nous nous retrouvons sur les quais, au restaurant français le Pont de la Tour, une de mes adresses préférées à Londres. Une préférence que partage sans réserve Robin. Après les agapes de la veille, nous convenons de déjeuner légèrement : un peu de champagne, un plateau de fruit de mer, des T Bones Steaks bien dodus et deux bouteilles de vin de californie. Juste ce qu’il faut.
L’esprit tout à fait clair, je reprends mon travail d’interprète. André nous parle maintenant de l’alchimie. L’Art Royal a trois supports : le minéral, le végétal (spagirie), mais aussi l’animal. Et de nous décrire une technique obscure et sulfureuse dont j’avais lu, sous sa plume, quelques digressions dans la revue Alchimie. Une technique que nous avions brocardé du reste avec notre ami alchimiste Jean-Pascal Percheron, la classant sans hésiter dans la catégorie des sciences zharbies. Mais André est convaincu et nous narre les résultats étonnants qu’il a obtenu de la sorte..........

Taxi, direction Waterloo Station ; il est tant de nous quitter.

Je ne sais pas si Saunière est passé à Londres, mais ce que je sais c’est que nous avons passé un week end fort sympathique.

Au revoir, Captain Robin, et un super grand merci pour toute cette gentillesse.