Les
Révélations de Glaaki
Retour
à la Société Théosophique maintenant,
avec la suite (et la fin) de l'article d'Adam Possamaï.
III
- Histoire de la fondation de la Société Théosophique
(ST).
1 - Le paysage théosophique pré-ST.
D'aussi loin que l'on puisse remonter avec certitude, le premier
philosophe
[1]
qui ait eu réellement tenté
d'établir une "sagesse divine" complexe par le
syncrétisme des croyances archaïques fut Ammonius Saccas
(le Porte-sac), créateur, au IIIème siècle,
de l'école néo-platonicienne
[2]
dite
théosophique. Ses disciples se donnaient le nom de philalèthéiens,
"amants de la vérité". Par des méthodes
comparatives, ils étudiaient les légendes sacrées,
les mythes, les symboles et les mystères.
Le but que se proposait Saccas était de réconcilier
toutes les métaphysiques, toutes les religions, toutes les
croyances, en démontrant à leurs adeptes qu'elles
avaient un fond commun exprimant des aspirations universelles. Ces
théories obtinrent beaucoup de succès, et on vit s'établir
de nombreuses et célèbres écoles éclectiques
de théosophie où l'on enseigna les principes de toutes
les religions connues, y compris les principes bouddhiques, védantins
et zoroastriens.
Ces écoles théosophiques ont apparemment eu une influence
considérable. Elles contribuèrent à développer
les idées de fraternité et de respect des vieillards.
Elles firent naître un sentiment de compassion pour les malheureux,
pour les faibles, et même pour les animaux.
Ces écoles établirent, dans une religion-sagesse ésoterique,
les principes de la divinité en l'homme. Elles crurent les
discerner dans le Bouddha indien, le Nébo babylonien, le
Toth de Memphis et l'Hermès de Grèce.
En 323, Constantin demanda la réunion du Concile de Nicée
pour fixer les dogmes chrétiens. Le catholicisme se fit religion,
et combattit certains mouvements ésoteriques. Ainsi ceux-ci,
dont la théosophie, furent poursuivis comme hérésies,
comme sorcelleries ou comme insurrections.
Certains philosophes essayèrent de rétablir leur Révélation
authentique et se groupèrent en sociétés secrètes.
Ils pratiquèrent des "recherches occultes", qui
avaient souvent pour but de découvrir les moyens de guérir
les maladies du corps et de l'âme, et parfois même celui
d'entrevoir les secrets de l'immortalité.
Simmel fait remarquer que "d'une manière tout à
fait générale, la société secrète
apparaît partout comme un corrélat du despotisme et
des interdictions policières, pour se protéger de
manière défensive aussi bien qu'offensive contre la
violence écrasante des pouvoirs centraux; et pas seulement
celle du pouvoir politique, mais aussi à l'intérieur
de l'Eglise, de l'Etat, de l'école et de la famille"
.
[3]
Celles-ci sont persécutées
parce qu'il est rare que l'homme ait une attitude tranquille et
rationnelle à l'égard de ce qu'il connait peu ou mal.
"Son comportement est partagé entre la légèreté
-traiter l'inconnu comme s'il n'existait pas- et l'angoisse délirante
-le gonfler pour en faire une masse énorme de dangers effroyables.
C'est ainsi que la société secrète semble dangereuse,
simplement parce qu'elle est secrète" .
[4]
Ainsi, la théosophie, comme philosophie mystique (même
si celle-ci s'est fortement christianisée et désorientalisée),
mit mal à l'aise les autorités écclésiastiques
et le pouvoir politique. Les réactions des autorités
aboutirent à susciter chez les adeptes une attitude de discrétion,
un goût du secret et la formation de réseaux d'échanges
peu structurés.
De la Renaissance au XIXème siècle, la théosophie
consista à faire passer dans l'écriture une expérience
qui, par nature, se passe hors du temps et s'exprime en visions.
De nombreux auteurs furent classés comme théosophes.
Certains furent catholiques, d'autres protestants et beaucoup furent
francs-maçons.
Il y eut Jacob Boehme (1575-1624):
sa théosophie comporta une philosophie de la nature, concevant
celle-ci comme essentiellement divine et céleste. Agriculteur
et cordonnier, il ne tarda pas à se révéler
comme un esprit hors du commun et comme un homme d'une grande érudition
en dépit de ses humbles origines. En 1612, animé de
visions mystiques, il écrivit son premier livre, "L'aurore
à son lever", et, en 1624, un traité contre les
luthériens "Le chemin menant au Christ". Son oeuvre
très prolifique ne fut publiée qu'après sa
mort. Il y avait selon lui, communication intérieure avec
Dieu et la nature.
Le suédois Emmanuel Swedenborg (1688-1772)
développa une science des correspondances. Il était
fils d'un évêque luthérien. Après avoir
étudié et enseigné dans diverses universités
d'Europe, il fut brusquement pris en 1743 de visions mystiques et
abandonna ses occupations pour écrire. Pour lui, le Monde
naturel correspondant au Monde spirituel, il y a moyen d'atteindre
ce dernier.
Et Friedrich Oetinger (1702-1782),
pasteur luthérien qui communiqua avec les esprits, fut également
Naturphilosophe
[5]
et alchimiste. Il fut nourri de Boehme
et de kabbale et se fit l'exégète de Swedenborg.
Un nouvel âge dans l'histoire de l'occultisme s'ouvrit dans
la soirée du 31 mars 1848; cela se passa à Hydesville,
ville du comté de Wayne, dans l'Etat de New-York. Les Fox,
des presbytériens qui habitaient une "maison hantée",
prétendirent être entrés en contact avec un
fantôme et avoir pu soutenir avec lui une conversation au
moyen de coups frappés sur les murs selon un alphabet convenu.
Cette affaire provoqua des remous conséquents et les "esprits
frappeurs" avaient envahi l'Amérique. A partir de ce
moment, le spiritisme se répandit à travers le monde
comme un déluge.
Savants, prêtres, magistrats et curieux affluèrent
à Hydesville pour assister aux phénomènes.
Ainsi devait naître le spiritisme, dont un médecin
français, Hippolyte Rivail, dit Alain Kardec, allait jeter
les bases dogmatiques et philosophiques. Ce phénomène
connut un succès si immédiat qu'à peine six
ans plus tard on comptait déjà aux Etats-Unis dix
mille médiums, trois millions d'adeptes et une vingtaine
de revues spécialisées. "Dans les années
1880, le sprititualisme est devenu un mouvement de culte bien développé,
et, en 1893, le plus vieux et large groupe de spiritualiste, l'Association
Nationale des spiritualistes, était formé à
Chicago" .
Les histoires de fantômes furent (et sont) évidemment
aussi vieilles que le monde, mais ce qui, en la circonstance, était
différent, était cette possibilité de communiquer
avec les esprits que le spiritisme offrait. Auparavant, le contact
avec l'autre monde était réservé et/ou accaparé
par une intelligentsia mystique et shamanique. Grâce au spiritisme
s'est ouvert une époque de démocratisation de l'ésotérisme.
La table est devenu un instrument de communication avec l'autre
monde que tout le monde pouvait se procurer.
C'est dans cette ambiance, à la fois romantique et occultiste,
qu'un dignitaire de la franc-maçonnerie des Etats-Unis, le
colonel Olcott, qui enquêtait pour un journal américain
sur une histoire de fantômes, fit la connaissance, en 1874,
d'une clairvoyante russe nommée Héléna Petrovna
Blavasky (HPB). De cette folie nécromancienne et de la rencontre
entre ces deux personnes devaient naître la Société
Théosophique (ST).
Les explications de cette rencontre suivront bientôt, mais
d'abord, faisons un petit détour pour clarifier certaines
choses.
2 - Réfutation: le théosophisme
de Guénon.
Réné Guénon de par son imposant ouvrage: "Le
théosophisme, histoire d'une pseudo-religion", se fait
le principal critique de la Société théosophique
et de ses origines. Pour comprendre sa tournure d'esprit, il nous
faut rapporter que l'Esotérisme traditionnel de Réné
Guénon, s'inspirant principalement de la tradition judéo-chrétienne
et ismaélite, se situe à contre-courant du mythe du
Progrès. Guénon fait le procès sévère
d'un monde moderne engagé dans un processus destructeur de
dégenérescence progressive et de matérialisme
croissant. De par ses croyances, il se positionne contre la ST qui
met en valeur le progrès "spirituel".
Philippe Bacq fait remarquer que "sous l'influence des découvertes
astronomiques modernes et de la théorie darwinienne de l'évolution,
la doctrine de la réincarnation devient une manière
de penser le progrès indéfini de l'humanité"
[7]
. . Ainsi par exemple, dira Steiner :
"ce que l'homme ne peut être en une incarnation, il doit
le devenir en parcourant de nombreuses incarnations au cours de
l'évolution de l'humanité et de ses civilisations.
Remarquons-le bien, nous sommes aux antipodes de la perspective
hindoue. La réincarnation n'est plus un fléau dont
il convient de se libérer; elle épouse le désir
de l'homme, elle est facteur de progrès"
[9]
. Par la ST, la théorie de la réincarnation
s'est occidentalisée et symbiosée au concept de progrès,
et s'est ainsi adaptée au monde moderne.
René Guénon, l'orthodoxe, le réactionnaire,
le traditionnel et l'anti-Moderne, a codifié l'ésotérisme
dans la perspective d'une Tradition primordiale qui aurait été
révélée à l'origine du monde et transmise
depuis lors sans altération par voie d'Initiation. Elle représenterait
la Vérité intégrale, universelle, transcendante,
la "métaphysique pure" supérieure à
toutes les religions, qu'elle intègrerait dans une synthèse
plus haute, et ne peut être souillée par les apports
nouveaux du spiritisme et de la ST. L'ésotérisme "traditionnel"
définirait le contenu et le mode de transmission de cette
connaissance intégrale. Le propre paradigme de Guénon
le pousse donc à écrire que "bien antérieurement
à la création de la Société théosophique,
le vocable de théosophie servait de dénominateur commun
à des doctrines assez diverses, mais appartenant cependant
toutes à un même type, ou du moins procédant
d'un même ensemble de tendances; il convient donc de lui garder
la signification qu'il a historiquement... Or l'organisation qui
s'intitule actuellement "Société théosophique",
ne relève d'aucune école qui se rattache, même
indirectement, à quelque doctrine de ce genre; sa fondatrice,
Mme Blavatsky, a pu avoir une connaissance plus ou moins complète
des écrits de certains théosophes, notamment de Jacob
Boehme, et y puiser des idées qu'elle incorpora à
ses propres ouvrages avec une foule d'autres éléments
de provenance diverse, mais c'est tout ce qu'il est possible d'admettre
à cet égard"
[10]
. C'est pourquoi, Guénon tient
à marquer la différence en ces termes: "...aussi
ses membres ne sont-ils nullement des théosophes, mais ils
sont, si l'on veut, des "théosophistes". Du reste,
la distinction entre ces deux termes "theosophers" et
"theosophists" est presque toujours faite en anglais,
où le mot "theosophism" pour désigner la
doctrine de cette Société, est aussi d'un usage courant;
elle nous paraît assez importante pour qu'il soit nécessaire
de la maintenir également en francais, malgré ce qu'elle
peut y avoir d'inusitée, et c'est pourquoi nous avons tenu
à donner avant tout les raisons pour lesquelles il y a là
plus qu'une simple question de mots"
[11]
.
Dans l'Encyclopédie Universalis, Antoine Faivre argumente
cette même distinction et écrit dans le dernier chapitre
de son article que "Elle (la ST) déclare exposer la
Tradition primordiale; mais bien entendu, il ne s'agit pas là
d'un enseignement reflétant la théosophie judéo-chrétienne
ou musulmane." Donc, parce que ce n'est pas de la théosophie
judéo-chrétienne ou ismaélite, comme l'est
l'Esotérisme traditionnel, cela ne peut être de la
théosophie- Jean Vernette adopte également cette distinction
dans son livre sur le New Age
[12]
. La raison de ceci est que les Guénonistes
ne peuvent concevoir la théosophie tachée de bouddhisme
et d'hindouisme. Qui plus est, la ST présente un aspect perçu
comme anti-chrétien et se porte à contre courant de
Guénon en raison de sa théorie de la réincarnation
"progressive".
3 - La société théosophique.
Héléna
Petrovna Blavatsky.
Elle est considérée par ses admirateurs comme la plus
grande clairvoyante que le monde ait connu. Certains lui attribuèrent
même des pouvoirs surnaturels. Par contre, ses nombreux détracteurs
estimaient qu'elle était le plus bel exemple de charlatanisme
et de mystification du siècle dernier. D'autres ont été
jusqu'à mettre en doute ses capacités de prestidigitatrice
et à prétendre que ses talents en la matière
étaient, somme toute, plutôt médiocres.
H.P.B. naquit en Ukraine en 1831, fille du colonel von Rottenstern
et de Héléna Fadeef, romancière. A dix-sept
ans, elle épousa Nicephore Blavasky, gouverneur de la province
d'Erivan, pour le quitter au bout de trois mois. Craignant que sa
famille ne la contraignit à retourner auprès de son
mari, elle s'embarqua sur un petit voilier anglais qui la mena à
Constantinople. Après un séjour en Turquie, elle partit
pour l'Egypte. C'est au pied du Sphinx qu'elle devait trouver son
inspiration par ses premières initiations aux mystères
d'Isis.
A partir d'ici, il est difficile de parler de Mme Blavatsky d'une
façon tout à fait impartiale. Les avis sont très
partagés et les passions, même à notre époque,
restent violentes.
Il semble donc qu'elle ait voyagé à travers le monde:
à Paris, elle se lia d'amitié avec des hypnotiseurs
et y apprit les méthodes les plus récentes du magnétisme
et de la suggestion; à Londres, elle mit en pratique sa science
nouvelle; à la Nouvelle-Orleans, elle assista à des
cérémonies vaudous; elle voyagea aux Indes et au Japon;
à Jérusalem, elle s'initia au mysticisme juif, etc.
Deux énigmes importantes tournèrent autour de ce personnage:
l) Un Hindou joua un rôle décisif dans l'oeuvre maîtresse
de la théosophie moderne. Son nom: Kout Houmi Lal Sing, -"nom
mystique tibétain"-, que l'on réduisit de manière
ésoterique aux initiales K.H. Durant de longues années,
K.H., le maître d'H.P.B., lui donna des instructions contenues
dans des lettres qui parvenaient, à ce qu'il fut écrit
dans la prose théosophique, soudainement dans ses poches
ou volant dans les airs. Le plus étonnant, dans cette affaire,
fut qu'à partir des premiers contacts avec "l'esprit
K.H.", H.P.B. fit des progrès stupéfiants dans
ses connaissances culturelles et scientifiques. On la vit entreprendre
par lettres des discussions approfondies avec les meilleurs spécialistes
sur les détails de la linguistique et sur les problèmes
de la sémantique du sanskrit archaïque, alors qu'elle
ignorait même l'alphabet sanskrit. Elle devint, comme par
enchantement, "la femme la plus savante du monde entier".
On donna deux explications à cette énigme: ou bien
H.P.B. fut réellement inspirée de facon surnaturelle;
ou bien K.H. était un savant hindou bien réel qui
lui fournissait en secret les éléments dont elle avait
besoin.
2) Le livre de Dzyan. H.P.B. disait avoir détenu ou lu "le
plus vieux manuscrit du monde", écrit sur des feuilles
de palmier rendues -par quelque procédé inconnu- inaltérables
à l'eau, au feu et à l'air; ce manuscrit était
rédigé en "Sen-zar, c'est-à dire dans
la langue sacerdotale secrète, "sous la dictée
des Etres Divins qui le révelèrent aux Fils de la
Lumière dans l'Asie centrale".
Grâce à ses voyages dans les autres plans, elle aurait
ramené la vérité sur l'univers entier. Ses
voyages "spirituels" et le livre de Dzyan constitueraient
ses sources d'inspiration majeures pour son livre culte: "La
doctrine secrète".
Henry Steel Olcott
Il naquit le 2 août 1832 dans le New Jersey. Il fit des études
qui le destinaient à l'agriculture scientifique avant que
la guerre de Sécession ne l'amèna sous les drapeaux.
Ce pacifiste ne porta pas de fusil et il ne dût son titre
de colonel qu'à ses dons pour l'intendance. Après
la guerre, ses talents de comptable et de procédurier le
servirent pour ouvrir une étude d'avoué specialisée
dans les affaires financières. En 1870, il était l'un
des hommes les plus en vue de New York, et sa fortune passait pour
assez considérable. A cette époque, les questions
relatives au spiritisme faisaient, en Amérique, l'objet de
toutes les conversations. Olcott, qui ne dédaignait pas la
fréquentation des loges maçonniques, se passionnait
pour les problèmes d'occultisme et de magie. Il rencontra
au cours d'une séance spirite H.P.B., qui l'initia peu à
peu aux mystères de l'Orient, à l'occultisme et au
spiritisme. Une association anti-spirite en découla: Olcott
était riche; H.P.B. avait la sapience de l'occulte. A eux
deux, ils allaient tenter de rompre "l'oeuf primordial"
pour accéder à la connaissance.
Il faut remarquer que "la ST est absolument anti-séance
spirite, et que l'une des raisons de la fondation de la ST a été
de lutter contre le spiritisme qui venait de naître et prenait
une extension de plus en plus grande (...) Elle (HPB) a commencé
par justifier les spirites en ce sens qu'elle a fait voir que ce
n'était pas de la fraude, mais après elle a dû
bien expliquer que tout cela n'était pas dû aux esprits
des morts, mais à des esprits de la nature. Et que le spiritisme
n'est au fond qu'une forme de nécromancie"
[13]
.
La
société théosophique
Le
20 octobre 1875 fut fondée à New-York la sociéte
dite "d'investigations spiritualistes". Le but initial
était de réunir un groupe de chercheurs pour entreprendre
l'étude systématique des théosophies antiques.
Il fallait constituer un cercle de personnalités attirées
par l'occultisme, fonder une bibliothèque savante et se mettre
à une étude sérieuse des lois secrètes
que semblaient avoir connues les Chaldéens et les Egyptiens.
Olcott en prit la présidence, Blavatsky le secrétariat.
Parmi les membres, on trouvait Q. Judge qui jouerait par après
un rôle considérable dans la ST, et Charles Sotheran,
un des hauts dignitaires de la Maçonnerie américaine.
René Guénon, le pourfendeur de la ST écrivit
que "dés le 17 novembre 1875, la société
dont nous venons de parler, qui n'avait guère encore que
deux semaines d'existence, fut changée en "Société
Théososophique", sur la proposition de son trésorier,
Henry J. Newton, un riche spirite qui ignorait certainement tout
de la théosophie, mais à qui ce titre plaisait sans
qu'il sut trop pourquoi. Ainsi, l'origine de cette dénomination
est purement accidentelle, puisqu'elle ne fut adoptée que
pour faire plaisir à un adhérent qu'on avait tout
intéret à ménager à cause de sa grande
fortune,..."
[14]
.
A l'origine, le nouveau groupe se comporta comme une quelconque
réunion de spirites ou d'occultistes, cependant il apportait
aux recherches un esprit méthodique et, dans une certaine
mesure, scientifique. Expériences sur des médiums,
conférences d'érudits, magnétisme, télépathie,
tout lui paraissait intéressant. Peu à peu, il s'aménuisa
et, finalement, on ne trouva plus sur la brèche que le colonel
Olcott et H.P.B. que les membres de la ST se plaisent à considérer
comme les véritables et seuls fondateurs de la Société
Théosophique. Durant les trois années qui suivirent,
les travaux de la Société Théosophique portèrent
sur la rédaction du livre: "Isis dévoilée",
ouvrage qui se vendit bien. Il mélangea les doctrines de
la Kabbale, du bouddhisme, des écritures hindoues et taoistes,
de Pythagore et d'Agrippa. Quant aux réunions de la Société,
elles consistaient surtout à lire les manuscrits, à
invoquer les Mahatmas et à discuter de l'enseignement reçu.
Cependant, la Société, peu encouragée par ces
exercices abstraits, périclitait en occident malgré
la création d'un petit noyau théosophique à
Londres et malgré une correspondance internationale assez
suivie. Par contre, aux Indes et à Ceylan, les adeptes augmentaient
en nombre et ne cessaient d'écrire aux fondateurs pour leur
prodiguer remerciements et encouragements. En 1878, Olcott et H.P.B.
partirent pour l'Inde. En 1882, grâce aux subsides de Princes
et à une souscription, les fondateurs purent acquérir
à Adyar, près de Madras en Inde, une propriété
qui fut (et reste encore) le centre mondial de la Société
Théosophique.
H.P.B. acceptant difficilement le rapport de la Société
pour la recherche psychique, déclarant en 1885 qu'elle était
"un imposteur parmi les plus parfaits, les plus ingénus,
les plus intéressants de tous les temps"
[15]
, décida de regagner l'Europe et
d'écrire son second ouvrage: "La doctrine secrète",
qui clarifierait certains points obscurs de son "Isis dévoilée".
Pierre A. Riffard qualifie ce livre de "monceau de connaissances
étrangement présentées et de révélations
bizarrement assemblées, sur deux mille cinq cents pages"
[16]
, les membres de la ST y voient dans
ce livre une méthode pédagogique pour instruire les
lecteurs dans ce labyrinthe spirituel.
H.P.B. mourut le 8 mai 1891, dans sa soixantième année.
Le colonel Olcott, par contre, était resté aux Indes,
et aidé par un état-major d'Hindous, préparait
et hâtait la libération des Indes et de toute l'Asie.
Après le départ d'H.P.B., il versa à fond dans
le bouddhisme, et il se mit à parcourir l'Asie, allant jusqu'au
Japon, pour "réveiller les foules endormies". Le
colonel mena sa "mission" avec acharnement jusqu'à
la fin de sa vie, le 17 février 1907.
Annie Besant (1847-1933)
Elle fut l'autre grande figure de la ST. Elle lutta d'abord pour
l'athéisme en militant dans une société laïque
nationale. Elle combattit ensuite pour la limitation des naissances.
Elle défendit le socialisme matérialiste. Elle prit
fait et cause pour le féminisme en dirigeant la grève
des allumettières en 1888. Coup d'éclat (ou conversion-):
en 1889, elle embrassa la ST. Elle écrivit près de
cent livres, elle milita pour la libération des Indes et
soutint le mouvement nationaliste. Elle créa également
la première école de filles hindoues.
IV
- La progéniture de la ST
ou
Le chat est parti, les souris se mettent en dissidence.
"L'histoire des branches de la ST après la mort de sa
fondatrice est complexe"
[17]
. Les principales branches dissidentes
ou en scission de la ST sont parfois citées dans les ouvrages,
mais les instigations ne sont pas poussées au point de constituer
un arbre généalogique détaillé. C'est
pourquoi, nous nous sommes ici, principalement attelé à
dénombrer les groupes qui se sont mis hors de la tutelle
de la S.T. d'Adyar. Ils sont nombreux et parfois centralisés
dans un pays ou une ville. La liste qui suit, est inspirée
de mouvements "importants" et internationaux, et de ceux
qui touchent la Belgique. Certains mouvements ont eu des affinités
avec d'autres doctrines que celle de la ST (groupes d'occultisme
tel que la "Golden Dawn", par exemple), mais je restreins
cet article à son thème: la ST.
Lors d'une entrevue, un membre de la ST a conclu que "la ST
a donné l'enseignement et ils l'ont tous repris en l'amalgamant
avec toute sorte d'autres choses. Sincèrement, on ne peut
appeler cela des mouvements dissidents parce qu'on doit dire que
ce sont des gens qui désiraient avoir la première
place quelque part, qui avaient des idées propres. Ils en
ont donc profité pour faire leur propre mouvement, en y injectant
beaucoup de théosophie. Ils reprennent la même terminologie
qui a été créée par les auteurs théosophiques,
et qui n'existait pas en occident avant"
[18]
. Le regard porté sur les dissidents
semble être d'une même trempe que celui de Guénon
sur la ST.
1) La Société Théosophique
d'Amérique
[19].
Aussitôt après la mort de Mme Blavatsky, le 8 mai 1891,
un violent débat s'éleva entre Olcott (président
de la Société), Judge (avocat éminent de New-York)
et Mme Besant, chacun responsable, respectivement, de la section
asiatique, américaine et européenne. Ils prétendirent
tous les trois à sa succession, et chacun, pour appuyer sa
légitimité charismatique, se déclara en communication
directe avec les "Mahatmas".
Olcott conserva sa place de président, mais les deux héritiers
du titre, Besant et Judge, se battaient. En février 1894,
Besant porta des accusations contre Judge, et l'assigna devant un
"Comité judiciaire" formé par des membres
de la ST. Suite à ceci, Judge voulut destituer Mme Besant,
mais il ne fut suivi que par une partie des membres de la section
américaine; en revanche, il fut plus que jamais accusé
d'imposture par les partisans de Besant. Enfin, le 27 avril 1895,
les adeptes de Judge se séparèrent entièrement
de la Société d'Adyar pour constituer une organisation
indépendante sous
le titre de "Société Théosophique d'Amerique"
(S.T.A.). Olcott avait simplement pris acte de la "sécession"
et annulé les chartes des branches américaines dissidentes,
puis réorganisé, avec les éléments qui
n'avaient pas suivi Judge, une nouvelle section américaine,
ayant pour secrétaire général Alexander Fullerton.
Des éléments de la section européenne et indienne
se joignirent aux dissidents.
Entretemps, Besant prit la direction de la Société
Théosophique lorsque Olcott l'abandonna officiellement en
sa faveur.
Par après à la S.T.A., le 21 mars 1896, Judge décéda,
et en l'absence de toute directive écrite de sa main, des
membres influents déclarèrent que "Judge a designé
un succeseur "occulte" pour prendre la tête du mouvement".
Mme Tingley se constitua comme leader et éveilla l'enthousiasme
par la prochaine révélation de secrets occultes qui
devaient surprendre les membres. Les agissements de ce "chef"
ne semblèrent point répondre à certaines espérances
et Mme Tingley fut vite denoncée par un haut responsable:
E.T. Hargrove. Ce dernier réforma, avec plusieurs dizaines
de membres une ST "originale" à New-York. Peu après
sa mort, en 1939, son mouvement le suivit dans sa tombe. D'autres
groupes réclamèrent également leur indépendance,
prennant goût au schisme de leurs leaders, mais ne furent
qu'un faible nombre et ce dans une trame temporelle faible: La ST
de New-York et le "Temple du peuple".
La S.T.A. quant à elle est toujours d'actualité.
2) L'Ordo Templis Orientis (O.T.O.).
L'"Ordre du Temple d'Orient" fut créé en
1902 par Karl Kellner, Franz Hartmann et Théodor Reuss. Le
premier était un Viennois qui avait beaucoup voyagé
en Orient et aurait été initié aux techniques
tantriques. Hartmann, allemand d'origine, était membre de
la ST. Reuss, lui, était un dignitaire d'une des branches
les plus occultes de la franc-maçonnerie.
Selon ses adeptes, l'O.T.O., détint la connaissance secrète
des moyens de se libérer de l'esclavage de l'instinct. De
nombreuses pratiques remontèrent directement au tantrisme
hindou et au bouddhisme tantrique. Les enseignements dispensés
dans le secret le plus absolu reposèrent en grande partie
sur les mystères profonds du sexe.
C'est dans la loge Californienne, dirigée avec succès
jusqu'à la fin des années cinquante que Ron Hubbard,
plus tard fondateur de l'Eglise de scientologie, y accomplit ses
débuts dans l'occultisme.
3) La Loge Unie des Théosophes
[20]
.
De par la division des sociétés théosophiques
depuis la mort de H.P.B., en 1909, un groupe de théosophes,
dirigés par Robert Crosbie fonda la Loge Unie des Théosophes
qui "professe un dévouement indépendant à
la Cause de la Théosophie sans s'attacher à aucune
organisation théosophique". Cette loge resta (et reste)
fidèle aux fondateurs par un attachement orthodoxe et ne
s'occupa pas des dissensions ou des divergences d'opinion individuelle.
"Le travail qui lui incombe et le but qu'elle poursuit sont
trop absorbants et trop élevés pour lui laisser le
temps ou le désir de prendre part à d'autres activités.
Ce travail et ce but consistent à propager les Principes
fondamentaux de la Philosophie de la Théosophie, et à
donner l'exemple de la mise en pratique de ces Principes, par une
réalisation plus vraie du SOI, par une conviction plus profonde
de la Fraternité Universelle.
Elle déclare que la Base d'Union inattaquable de tous les
Théosophes, quel que soit le lieu où ils resident,
et quelle que soit leur situation, est "L'identité de
but, d'intention et d'enseignement". C'est pourquoi elle n'a
ni constitution, ni status, ni chefs, le seul lien entre ses associés
étant cette base. Et elle vise à répandre cette
idée parmi les théosophes, pour progresser vers l'unité"
[21]
.
4) Max Heindel (1865-1919)
[22]
.
S'étant établi à Los Angeles en 1903, Max Heindel
adhéra tout d'abord à la ST. En 1907, il rencontra
à Berlin un frère majeur de l'orde Rose-Croix
[23]
. De retour en Amérique, Heindel
fonda son propre groupe qui porta le nom d'Association rosicrucienne
d'Oceanside . En 1920, un temple rosicrucien fut construit et fut
destiné à mettre à disposition des moyens puissants
de guérison. Les enseignements de l'Oceanside
[24]
, dispensés par correspondance,
portèrent sur la philosophie, l'astrologie et la Bible. Il
y fut également usage de pratiquer la concentration mentale
matin et soir, et de former des chaînes thérapeutiques
qui se consacrèrent à la guérison des malades.
5) George R.S. Mead: La Quest Society.
Mead, un fervent allié de Besant à l'époque
de la S.T.A., décida plus tard de la quitter pour former
la "Quest Society". Cette société fit des
études comparatives sur les religions et des recherches sur
le psychisme. Sa revue "Quest" fut largement diffusée
de 1909 à 1930. Mead mourut en 1934.
Depuis quelques années la revue "The quest" fait
parler d'elle, mais est éditée par la section américaine
de la ST internationnale. Est-ce la suite du travail de Mead ou
un plagiat du nom-
6) Rudolf Steiner (1861-1925): l'anthroposophie
[25]
.
Il naquit en Autriche le 27 février 1861. Ayant réussi
ses examens, Steiner fut admis à entrer à l'Ecole
supérieure technique de Vienne. En même temps, il fréquenta
l'université où il suivit attentivement les cours
de philosophie. Pendant une dizaine d'années, il demeura
à Vienne où il acquit le grade de docteur en philosophie
et divers diplômes scientifiques. En 1897, il s'installa à
Berlin et devint membre de la ST. En 1905, il fut nommé secrétaire
général de la section allemande.
Entretemps, au sein de la société théosophique,
la présidente, Mme Besant fut conquise par C.W. Leadbeater
qui deviendrait son conseiller. Né en 1847 et ancien d'Oxford,
il avait été pasteur dans le Hampshire, puis après
avoir eu des "visions", il s'était converti au
bouddhisme et, finalement à la théosophie de la ST.
La présidente, conquise par cet homme, s'associa à
des recherches qui aboutirent à une rupture avec certains
des enseignements essentiels d'H.P.B. Selon des textes occultistes
du pré-Moyen Age et des ouvrages juifs du début de
notre ère, le Jésus-Christ adoré des chrétiens
n'était qu'un prophète qui fut lapidé, puis,
à l'agonie, attaché à un arbre contre lequel
il expira. Selon Besant et Leadbeater, le vrai Jesus-Christ aurait
vécu 105 ans avant notre ère, son véritable
nom aurait été Ben Sotada. Ils prétendirent
que les douze apôtres n'avaient jamais existé, qu'ils
avaient été introduits dans la légende occultiste
pour signifier les douze signes du Zodiaque. Toujours selon eux,
les Evangiles furent écrits en hebreu par un nommé
Matheus, moine réformiste palestinien versé dans l'occultisme.
Matheus, qui était très lié avec le prieur
d'un monastère d'Alexandrie, lui suggéra de traduire
son récit dans le style occultiste, en particulier avec des
paraboles et des symboles, et ce dans un but politique et moral.
Le prieur, intéressé, chargea quatre jeunes moines,
Matthieu, Marc, Luc et Jean de rédiger, à partir de
faits considérés comme admis, des interprétations
variant selon l'imagination. L'Eglise qui condamna la ST n'a pas
réagi officiellement "pour ne pas donner d'importance
à ce qui n'en a pas". En avançant de cent cinq
ans la date de naissance du Christ, Besant et Leadbeater purent
faire dire à des textes occultes que le Christ s'était
déjà reincarné trente deux fois et ils finirent
par "démontrer" qu'il était réapparu
dans la personne d'un jeune Hindou à l'intelligence prodigieuse:
Krishnamurti. Annie Besant présenta son protégé
comme une réincarnation de Jésus-Christ sous le nom
d'Alcyone. La ST développa l'idée messianique de la
proche apparition de l"'Instructeur mondial", maître
spirituel qui unifierait toutes les traditions religieuses et fonderait
la religion mondiale garantie du futur Ordre mondial. En 1910, elle
fonda, à côté de la société théosophique,
un ordre ésotérique destiné à faciliter
la tâche du nouveau Messie, l'ordre de l'Etoile d'Orient,
dont Alcyone-Krisnamurti fut désigné comme chef suprême.
Steiner, quant à lui, se refusait à suivre Annie Besant
dans ses propos critiques à l'égard de la personnalité
de Jésus. Il récusa les pratiques spirites et l'antichristianisme
de la société. En 1913, la section allemande envoya
un télégramme comminatoire à Adyar pour demander
la déposition d'Annie Besant. Steiner fonda une nouvelle
société théosophique à Dornach, près
de Bâle et bien peu de théosophes de la section allemande
restèrent fidèles à la maison d'Adyar. Il fonda
à Berlin, la Société anthroposophique qui fut
principalement une "université libre de sciences spirituelles".
On doit à Steiner de nombreuses recherches en matière
d'agriculture, de pédagogie, de biologie et de médecine.
Il est à remarquer que la société anthroposophique
se mit en totale rupture face à la ST et retourna à
un paradigme chrétien. Les écrits d'H.P.B. furent
dés lors critiqués par les anthroposophes: "Malheureusement,
Mme Blavasky avait cru devoir appuyer ces vues profondes sur de
soi-disant faits historiques; or, elle ne possédait pas les
qualités qui font l'historien. Manquant de documents, manquant
du sens critique qui lui aurait permis de s'en servir utilement,
elle ne put éviter de nombreuses erreurs"
[26]
. Lors de notre prise de contact avec
un anthroposophe, celui-ci expliqua, tout sérieusement, que
Rudolf Steiner, également clairvoyant, avait rencontré
H.P.B. dans l'au-delà, et qu'elle aurait imploré l'homme
de rapporter dans le monde d'Orphée et de Virgile le fait
que de nombreuses erreurs furent émises dans la "doctrine
secrète". Celle-ci aurait, paraît-il, joué
avec les forces noires de la magie et aurait affaibli ses visions
de l'au-delà. Steiner, qui avait suivi la voie du "noble
clairvoyant", aurait, quant à lui, découvert
la vraie vérité.
Quelle belle histoire, en effet, pour appuyer la nouvelle légitimité
de l'anthroposophie qui se devait d'être charismatique et
non rationnelle.
7) Krishnamurti.
- Krishnamurti se détacha peu à peu de la ST par une
rupture consommée progressivement de 1922 à la mort
d'Annie Besant. Il rejeta le rôle qu'on voulait lui faire
jouer et suiva sa propre voie, en maître spirituel reconnu.
Il se fit connaître dans le monde entier et se refusa à
se poser en Maître. Il ne voulait pas de disciple. Il ne donna
aucun conseil individuel. Il se borna à poser les principes
qui devaient permettre à chacun de construire, selon son
tempérament, sa propre méthode, pour se libérer.
Il déclara: "Vous attendez qu'une autorité vous
expose la vérité et vous l'impose. Vous adorez une
personne et non la vérité. (...) La seule façon
d'atteindre la vérité est de devenir, sans aucun médiateur,
le disciple de la vérité elle même"
[27]
.
Comme nous l'a fait remarquer un membre de la ST, les théosophes
"étaient en train de faire une nouvelle église
avec lui". Cette unique tentative de la ST de s'ériger
comme "religion" a ainsi été avortée
en raison de la dissolution de l'Ordre de l'Etoile d'Or.
- Association culturelle Krishnamurti
[28]
..
Krishnamurti se retira en Californie et écrivit une oeuvre
philosophique et religieuse très importante qui fut à
la base de cette nouvelle organisation. "L'activité
de ces comités se limite à la distribution de vidéo
et audio cassettes de Krishnamurti, et à des réunions
d'audition de vidéo cassettes de Krishnamurti, avec service
de prêt, etc. Les fondations de même que les comités
n'ont aucune autorité spirituelle, ni le droit d'interpréter
l'enseignement de Krishnamurti"
[29]
.
8) Alice Ann Bailey (1880-1949).
Elle naquit à Manchester. Elevée dans un couvent,
elle se donna pour première mission l'évangelisation,
ce qui l'amena en Inde. Ensuite, elle adhéra à la
ST lorqu'elle émigra aux Etats-Unis. On lui demanda de quitter
la ST en 1920 parce qu'elle aurait publié des documents volés
à Leadbeater. En 1923, elle créa l'Ecole Arcane fondée
sur la méditation occulte et le développement des
pouvoirs spirituels. Elle se donna pour mission de "mobiliser
l'énergie de bonne volonté dans le monde pour préparer
le retour de l'Instructeur mondial, du Christ". En 1932, elle
fonda l'Association Bonne Volonté mondiale.
Cette association est organisée en groupes de méditations
reliés en pensée chaque semaine, et en réseaux
de "Triangles": trois personnes s'unissant en prière
chaque jour pour hâter la venue du Christ.
L'Association Bonne Volonté Mondiale a une correspondante
en Belgique: l'Association Vie et Conscience, de la rue Delaunoy
à Molenbeek, Bxl. Jean Barreiro, fondateur de ce mouvement,
a été pendant une courte période secrétaire
général de la ST belge. Il a été amené
à démissioner de celle-ci en raison de ses nombreuses
dissensions avec les membres. En 1988, il a crée l'Association
Vie et Conscience qui ne réfute rien de la théosophie.
Ce mouvement comporte une école ésoterique et un ordre
initiatique: l'Ordre des Chevaliers de la Rose d'Or, l"'Ocro".
9) L'aryanisme germanique.
Certains théosophes allemands donnèrent un sens antisémitique
à l'oeuvre de H.P.B. Un sens que apparemment n'aurait jamais
eu la clairvoyante. Si elle entendait se dresser contre le "Dieu
des Juifs", ce n'était pas pour condamner la race juive,
mais pour lutter contre les forces attribuées au "dieu-mâle"
[30]
, le "Tout-Puissant". Un de
ces dissidents fut le général Karl Haushorfer qui
aurait été l'initiateur d'Hitler à l'occultisme.
"Après la défaite allemande lors de la première
guerre mondiale, il créa une science nouvelle qu'il appela
la "Geopolitik", dont on lui confia plus tard la chaire,
à Munich. Parmi ses étudiants, il recruta quelques
adeptes fameux dont Rudolf Hess. Il constitua une "Société
de Géopolitique", organisation pseudo-scientifique d'inspiration
mi-spirite mi-théosophique, qui se révela bientôt
être l'instrument du national-socialisme allemand romantique
(...) Selon leur théorie, au début du règne
de l'homo sapiens, l'actuel continent arctique était une
terre fertile peuplée par une race d'hommes blonds, brachycéphales.
Tandis que les autres races étaient encore sauvages, ces
Nordiques jouissaient d'une civilisation remarquable. Ils avaient
établi une morale s'appuyant sur le culte de l'honneur. Cette
race élue s'appelait la race aryenne"
[31]
.
A la suite d'un cataclysme les Aryens ou Hyperboréens se
seraient dispersés en Allemagne, aux Indes et jusqu'en Grèce.
Leur signe distinctif fut le svastika ou croix gammée. Hitler,
initié à l'aryanisme germanique, plaça dés
lors son combat sous le signe sacré du svastika
[32]
. "Ainsi le bouddhisme pur, débarassé
des doctrines théosophiques, apparaissait comme une doctrine
germanique"
[33]
.
Inspiré par cette idéologie, une société
secrète en naquit, et se donna le nom de " Groupe de
Thulé ", groupe qui rassembla des amateurs de sciences
occultes et d'ésoterisme. Hiltler, toujours selon Lantier
(op.cit.), comptait au nombre des sympathisants qui assistaient
aux réunions. Rudolf Hess y était affilié.
Tout deux s'en sont inspirés pour le national-socialisme.
Dans ce même mouvement, on entendit également parler
de l"'Ordre du Vrill" qui se présenta comme une
maçonnerie néo-nazie.
10) La Nouvelle Acropole
[34]
.
Le fondateur de ce mouvement fut Jorge Livraga, né le 03-09
1930. Celui-ci, d'abord membre de la ST en Argentine, fit entrer
de nombreux jeunes à la ST comme "membres non attachés",
c'est-à-dire qu'ils n'appartenaient pas aux branches de la
ST d'Argentine mais étaient sous le contrôle charismatique
de Livraga. Le conseil d'administration de la ST, alarmé
par cette activité qui gagnait en force et en ampleur, y
vit une tentative de mainmise sur la ST en Argentine. Celle-ci changea
ses statuts pour empêcher la prise de pouvoir de Livraga et
l'expulsa par la suite en 1962. Ce dernier intenta un procès
à la ST qu'il ne gagna pas. Il décida par après
de fonder son propre mouvement.
La Nouvelle Acropole choisit d'implanter à Bruxelles sa structure
administrative internationale. Sa structure belge, lancée
en 1977, connut un essor jusqu'en 1984, date à laquelle le
mouvement commença à s'essouffler.
Ce mouvement conteste la démocratie actuelle et la suprématie
absolue de la raison. "Il donne une place à l'initiation
et l'expérience -mentale, psychologique, mais aussi physique-,
conteste l'égalitarisme absolu, prône la "méritocratie",
enfin, -et cela marque les esprits- salue le bras levé, "à
la romaine"
[35]
" .
IV - Conclusions.
Si certains groupes s'étaient déjà formés
à partir de textes théosophiques, tels que les Boehmistes
et Swedenborgiens, ils restaient dans un groupe restreint et secret.
Les textes restaient hermétiques et nécessitaient
une initiation afin d'être compris. Mais arrive l'époque
des trois Révolutions et son rejeton, la Modernité.
Riffard écrit que "Le XIXème se veut dévoilement
de l'ésoterisme"
[36]
. Il parle même de vulgarisation.
Ce dévoilement suit une idée qui planait dans l'air
du temps: la démocratie. Depuis le spiritisme et la ST, il
y a volonté d'offrir au public l'ésotérisme
sans devoir passer par une élite religieuse, supposée
unique interprête des textes ésotériques, et
par un société d'initiation et ses multiples grades.
Il y a dans ces mouvements une idée de "protestantisme"
et un désir d'offrir un choix et un esprit d'interprétation
à tout en chacun
[37]
.
Ces textes ont reçu un apport des religions orientales (occidentalisées)
par l'intermédiaire de la ST et d'Alain Kardek, et se sont,
en quelque sorte, transformés, ou faussés selon Guénon.
La ST s'est dés lors accaparée la théosophie
et l'a adapté à son propre paradigme. Elle l'a non
seulement élargie par une orientalisation (doctrines bouddhiques
et hindoues), mais aussi modernisée (la ST présente
sa doctrine comme ayant été pensée avec des
méthodes scientifiques et ce dans un éthos démocratique),
et l'a changée (ou restreinte pour les traditionalistes ésotéristes)
en supprimant le caractère initiatique des mouvements occultistes,
pour la sortir du champ strictement ésotérique en
luttant en avant-grade pour l'émancipation de la femme et
contre le colonialisme.
La question est de savoir si la ST a pu établir un pouvoir
social par une expropriation, une traduction et une représsion
de cette orientalisation et modernisation de la théosophie.
La réponse, à notre avis, est négative. La
ST en orientalisant la théosophie ne l'a pas érigée
en une religion. La ST étant un culte, c'est-à-dire
en partie un groupe mystique, elle présente une réaction
de prise de distance vis-à-vis des institutions. "La
ST a été créée, fondée précisement,
par des personnes qui se rendaient compte qu'à notre époque,
on était trop dominé par des théories, et par
des religions et parce que tout cela empêchait à l'homme
d'avoir une libre circulation de sa pensée dans toutes sortes
de domaines"
[38]
. Dans le fondement même de la ST,
celle-ci ne peut s'ériger en une religion, c'est-à-dire
en un pouvoir social (même si il y eu dérapage, voir
Besant et Krishnamurti), parce que celle-ci lutte justement contre
les dogmes de toutes les factions. Elle a été créée
pour rendre "sacré"
[39]
la théosophie, mais non pour la
métamorphoser en une religion.
A la mort des dirigeants, le paysage de la ST s'est changé.
Certains groupes se sont mis en dissidence d'Adyar, d'autres sont
retournés à une vision plus chrétienne de la
théosophie et/ou ont réintégré les principes
d'initiation. Plusieurs mouvements, péréclités
et/ou toujours en activité, ont touché de près
ou de loin à la Société Théosophique,
et s'en sont inspiré pour leur propre culte.
La ST a débuté en 1875 et est toujours d'existence.
Même si la famille nucléaire de la ST est restreinte
de nos jours à environ 30.000 membres officiels (le nombre
de membres officieux est inconnu), la multitude de doctrines et
de mouvements influencés de près ou de loin est conséquent.
De plus, la ST, est selon nos yeux, la déesse féconde
du New Age. Mère et fille prodigue qui feront l'objet d'un
prochain article dans Murmures d'Irem.
[1]
On cite le nom de Pot‑Amoun, un égyptien d'avant les
Ptolémées, comme celui du prêtre magicien qui fut le plus ancien
maître de la théosophie archaïque.
[2]
Le néo‑platonisme, ou école d'Alexandrie, est
une doctrine philosophique qui prit naissance à Alexandrie (IIIème
siècle avant J.C.), et dont les adeptes mêlaient certaines idées
mystiques à celles de Platon.
[3]
Simmel Georg, Secret et sociétés secrètes, Ed. circe, 1991,
p. 67.
[4]
Simmel, op. cit., p. 110.
[5]
Philosophie de la nature qui est une tentation d'amener au
jour la "Nature" qui a été, selon son enseignement,
un perpétuel refoulé du christianisme.
[6]
Traduction de l'anglais de Stark and Bainbridge, The future
of religion, University of California Press, L.A., 1985, p.251.
[7]
Philippe Bacq, Après la mort, résurrection ou réincarnation-,
in La Loi et le Temps, XXIII(1993‑l).
[8]
Dissident de la S.T., il a fondé la société anthroposophique en
1913 et a conservé notamment cette idée de progrès dans la reincarnation.
Des explications plus avantageuses suivront dans le prochain chapitre.
[9]
Philippe Bacq, Après la mort, Résurrection ou Réincarnation-,
in La Loi et le Temps, XXIII(1993‑l), p.67.
[10]
Guénon René, Le théosophisme: histoire d'une religion, Ed.
Traditionnelles, p.8.
[12]
Vernette Jean, Le new age, PUF, Paris, in collection "Que
sais‑je-", 1992, p.34.
[13]
Extrait d'interview.
[14]
Guénon René, Le théosophisme, histoire d'une pseudo-religion,
Ed. traditionelles, 1922, P.27.
[15]
En 1986, cette même société d'études psychiques s'est désavouée
des conclusions qu'elle avait émises en 1885. Nous ne connaissons
pas les raisons et circonstances de ce revirement.
[16]
Riffard Pierre, L'ésoterisme, Ed. Laffont, 1990, p. 814.
[17]
Faivre Antoine, L'ésoterisme, PUF, Paris, 1992, p. 94.
[19]
Headquarters (H.Q.): Post Office Bin C, Pasadena, CA 91109,
USA.
[20]
H.Q.: Los Angeles, Californie, 90007, Thesophy Hall, 33 rd.
St. and Grand Ave. Contact pris par correspondace à cette adresse:
11 bis, rue Keppler, 75116, Paris.
[21]
Extrait de la déclaration de la Loge Unie des Théosophes.
[22]
Association Rosicrucienne, Max Heindel, 19, chemin de la Passe
d'armes, 59700, Marc‑en‑Baroeul, France.
[23]
Orde qui se perd dans la nuit des temps du Moyen Age et qui
a été revitalisé sous le nom d'A.M.O.R.C. (Ancien et Mystique
Ordre Rosae Crusis) en 1908 par H. Spencer Lewis. Le groupe se
présente comme un mouvement philosophique, s'intéressant "aux
lois et aux principes cosmiques aussi bien qu'à la connaissance
initiatique et traditionnelle".
[24]
H.Q.: Mt Ecclesia, P.O. Box 713, 2222 Mission Ave, Oceancide,
California, USA 92054.
[25]
H.Q. en Belgique: Secrétariat de la Société Anthoposophique
(S.A.), Kardinaal Mercierlei, 15B, 2600 Anvers.
[26]
Rihouet S. & Coroze, Qui était Rudolf Steiner, une épopée
de l'esprit au 20ème siècle, Ed. Triades, Paris, p. 156.
[27]
Citation soulignée par Jacques Lantier, op.cit.
[28]
H.Q.: Krishnamurti Foundation Trust Ltd, 24, Southend Road,
Bekenham, Kent BR3 lSD England. Comité Belge Krishnamurti, 36
rue Charles Bernaerts, 1180 Bruxelles.
[29]
Secrétaire du Comité belge Krishnamurti, lettre du 18‑01‑1994.
[30]
En relation avec le mythe d'Isis vu à la section II.1 (Murmures
d'Irem, 2, p.36).
[31]
Lantier Jacques, La théosophie, p.211.
[32]
Les théosophes définissent le svastika, symbole qui fait partie
de l'emblême de la S.T. comme "le symbole du soleil et du
système solaire, de l'énergie tourbillonnante, créatrice de l'univers.
Les bras de feu qui le composent tournent dans le sens des aiguilles
d'une montre, c.à.d. dans le sens de la force évolutive".
Directement, ils se positionnent contre le national socialisme
en déclarant "que ceux (les bras) de la croix gammée, qui
sont devenus dans les temps modernes le symbole de la haine, de
l'égoïsme, de la tyrannie et de la torture se meuvent dans le
sens contraire, celui des forces destructives".
[33]
Lantier Jacques, La theosophie, p. 211.
[34]
30, rue du lac, BXL.
[35]
Lallemand Alain, article du soir, 26 octobre 1993.
[36]
Riffard Pierre, L'ésoterisme, Robbert Laffont, Paris, 1990,
p.806.
[37]
Nous parlons ici d'un esprit général qui n'empêche bien entendu
pas les nombreux dérapages dont s'accapare la presse populaire.
[38]
Extrait d'interview.
[39]
C'est-à-dire selon notre propre paradigme sociologique: non
institutionalisé.