|
M
comme Monstres Lovecraftiens
MONSTRES LOVECRAFTIENS
: " Ce sont des êtres qui semblent
issus de l'imagerie du Moyen Age tout en étant imprégnés
de ces particularités fascinantes autant que morbides auxquelles
nous a habitué la science-fiction ". Et qui mieux que
Lovecraft lui-même peut nous donner une idée de SES
monstres ? " Il avait des mains et un visage d'homme, mais
son torse et les parties inférieures de son corps présentaient
de fantastiques monstruosités [...] L'épiderme était
couvert d'une fourrure noire, et de l'abdomen pendaient vingt long
tentacules munis de bouches rouges et flasques ; ils étaient
bizarrement disposés selon les règles d'une géométrie
cosmique inconnue à la Terre ou au système solaire.
Sur chacun d'eux, profondément enfoncé dans une orbite
rose pourvue de cils, s'ouvrait un il rudimentaire. En guise
de queue, le monstre portait une espèce de trompe marquée
d'anneaux violets qui devait être une bouche rudimentaire.
" " Mais il existait une race de créatures infiniment
plus vieilles encore : les sauriens quadrupèdes des cavernes
de Yoth ... " (JF)
Patrice
Allart, auteur d'un mémorable " Guide du Mythe de Cthulhu
" chez Encrage, paraissait tout indiqué pour nous présenter
cette galerie de portraits particulièrement gluante ! Vous
le retrouverez également du côté des Editions
de l'il du Sphinx, avec d'Arkham à Malpertuis, une
étude très érudite sur la présence de
Cthulhu dans la Mer du Nord !
Patrice
Allart (c)
Lorsqu'il
y a des millions d'années vinrent du fin fond de l'espace
les premiers dieux que la Bibliothèque Interdite nomme Grands
Anciens, de monstrueuses créatures, faites de chair et de
sang ou de quelque chose d'approchant, les suivirent. Ils étaient
leurs serviles serviteurs souvent dénués de conscience
ou d'une quelconque intelligence, et avaient vraisemblablement été
amenés par leurs puissants maîtres lors de leurs haltes
précédentes dans d'autres univers. Sur notre jeune
planète, les Grand Anciens trouvèrent également
facilement des laquais parmi les éléments les plus
faibles d'une récente espèce animale ayant acquis
un début d'intelligence, l'Homo Sapiens. Mais nous laisserons
de côté cette dernière créature pour
nous intéresser à ceux auxquels une apparence hors-normes
selon les concepts humains a valu l'appellation de Monstres.
Partons à la découverte des Monstres Lovecratiens,
" par ordre d'apparition " ... dans l'univers d'HPL.
Dès la parution du premier texte du Mythe,
ils sont là. " Ils jouaient comme des poissons dans
des grottes sous-marines, ou bien se trouvaient réunis dans
un sanctuaire monolithique qui, lui aussi, reposait au fond des
eaux. [...] Ils avaient une allure odieusement humaine, malgré
leurs pieds palmés, leurs mains molles, leurs lèvres
énormes, leurs yeux gonflés, et d'autres traits encore
plus déplaisants. [...] La baleine qui [...] succombait,
victime de l'une de ces créatures, était à
peine plus grande que son agresseur ". Ainsi CEUX DES PROFONDEURS
font-ils leur première apparition, et le premier d'entre
eux donne son nom à la nouvelle : Dagon (1917). Ils auront
un rôle plus ... vivant dans The Shadow of Innsmouth (1931),
mais leur taille sera considérablement réduite - à
peine celle d'un humain. C'est Brian Lumley qui fournira l'explication
bien plus tard, dans son roman The Burrowers Beneath (traduit dans
L'abominable Cthulhu, Fleuve Noir), qui tente d'apporter une cohérence
à un Mythe aux multiples auteurs : Ceux des Profondeurs sont
de toutes formes et de toutes tailles, de la Sirène au Serpent
de Mer ; même l'aimable dauphin est l'un d'entre eux selon
James Wade ! (The Deep Ones, 1920) - sans doute Lovecraft l'avait-il
découvert (The Temple, 1920) : " [...] Nous n'apercevions
jamais autre chose que les troupes de dauphins, qui nageaient parallèlement
à notre dérive. [...] Tous les spécialistes
savent que le Delphinus Delphis commun [...] ne peut subsister longtemps
sans air. Or, en surveillant étroitement l'un de ces nageurs,
[...] je pus constater qu'il ne refaisait jamais surface ".
Mais la forme la plus courante de ces êtres est celle de l'"
homme-crapaud ", dont l'on retrouve trace tant en Polynésie
que sur la côte d'Innsmouth. Etant au service de Cthulhu,
le plus connu des Grands Anciens, il apparaît souvent dans
le Cycle, et notamment dans le roman à épisodes d'August
Derleth, The Trail of Cthulhu (1953). Mais la présence de
la progéniture de Dagon se manifeste même hors du Cycle
: " [...] Le Crapaud Impérial [...] avait arraché
son masque, découvrant une face plus horrible encore. Une
face d'homme, certes, mais déformée, au front et au
menton fuyants, à la bouche [...] fendue en tirelire, aux
yeux globuleux, exorbités, sous des paupières épaisses
et plissées. [...] La peau grise était couverte de
pustules, comme celle d'un batracien. [...] Il clamait sur un ton
de démence : - Les Ancêtres venus d'un autre monde,
du vent ? Voyez donc si c'est du vent ! ". " Imagine-toi
des nabots, [...] des sortes de pygmées, quoi, laids à
faire frémir le diable, et qui ont les mains et les pieds
palmés [...] L'un d'eux [...] possédait des perles
grosses comme des billes [...]. Il les réservait, disait-il,
pour des offrandes à je ne sais quels chenapans de dieux
marins. "
The
Namelesse City (1921) nous amène dans le désert d'Arabie,
soit, a priori, très loin de la zone d'influence de Ceux
des Profondeurs, à la découverte d'une cité
disparue. Le narrateur en découvre les ruines, et, comme
dans Dagon, des sculptures indiquent l'existence d'une vie monstrueuse
dans des temps reculés : " On eût dit des reptiles,
dont le corps évoquait en partie le phoque, en partie le
crocodile, mais le plus souvent rien de ce que connaissait le naturaliste
ou le paléontologue. Leur taille était à peu
près celle d'un homme pas très grand et leurs pattes
de devant se terminaient par des pieds délicats semblables
à des mains et à des doigts humains ". L'épilogue
aussi évoque Dagon : le héros sombre dans la démence
lorsqu'il voit les créatures en chair et en os. August Derleth
révèle leur identité dans le roman The Trail
of Cthulhu : " - Qui nous suit ? demandai-je. - Les habitants
de la Cité [...]. [...] Une civilisation qui précéda
l'humanité, une civilisation saurienne et reptile, composée
d'adeptes de Cthulhu. [...] La Cité sans Nom fut autrefois
une cité maritime, profondément ancrée au fond
des océans, [...] longtemps avant le soulèvement qui
amena cette partie de l'Arabie à la surface du globe et fit
reculer les eaux, laissant les habitants aquatiques mourir [...]
. [...] sauf Ceux des plus lointaines Profondeurs ".
The
Dream Quest of Unknow Kadath (1927) est la Bible du Bestiaire Lovecraftien.
Le texte fait la jonction entre le Cycle du Monde du Rêve
(1918-1921, repris dans le tome 3 de l'intégrale) et le Cycle
de Cthulhu (1926-1935, repris dans le tome 1), et a influencé,
notamment, Jacques Sadoul (le Cycle de R.), Brian Lumley (le Cycle
de la Terre des Rêves) et Graham Masterton (le Cycle des guerriers
de la Nuit). La quête de Randolph Carter à la recherche
de la mythique cité Kadath sera, comme bien des quêtes
physiques, vaine, mais lui fera rencontrer d'étonnants êtres.
Les ZOOGS, " furtifs et discrets ", " petits, noirs
et invisibles ", sont des êtres des bois. Leurs incursions
dans le Le Monde de l'Eveil sont à l'origine de bien des
légendes (nains, trolls ...). Les CHATS d'Ulthar ne sont
que des chats, mais dans le Monde du Rêve, ils sont plus intelligents
et sages que bien des humains, et leur aide sera précieuse
à Carter ; mais tous les chats ne sont pas amicaux : ceux
de Saturne sont serviteurs des Grands Anciens. Le VOONITH, une "
horrible chose amphibie ", ne fait qu'une apparition, hululant
à la lune, sans oser s'approcher du mont Ngranek,
de crainte des MAIGRES BETES DE LA NUIT.
" De quelle crypte elles sortent en rampant
je ne saurais le dire
Mais chaque nuit je vois ces créatures noires,
Cornues et décharnées, aux ailes membraneuses
Et aux queues portant la barbe bifide de l'Enfer.
Elles arrivent par légions, portées par la houle du
vent du nord,
Avec d'obscènes griffes qui titillent et irritent,
Elles me saisissent et m'emportent vers de monstrueux voyages
En des mondes grisâtres au cur du puits des cauchemars.
"
Les Maigres Bêtes de la Nuit, au service
de Nodens le Très Ancien que craignent les Grands Anciens,
sont des créatures de cauchemar, et elles sont bel et bien
nées au cours d'un cauchemar de l'écrivain. Loin du
Ngranek, la vallée de Pnath est un sinistre endroit "
où tous les VAMPIRES du Monde de l'Eveil jettent des restes
de leurs festins ". Les Vampires lovecraftiens apparaissent
pour la première fois dans Pickman's Model en 1926 (il y
est fait allusion), et sont, " avec " leur visage de chien
", très différents de Dracula ; leurs habitudes
alimentaires évoquent d'ailleurs plutôt les Goules
et les hyènes. En outre, ils sont loin d'être les plus
redoutables et les plus infâmes habitants de la vallée
: " Il valait mieux rencontrer un Vampire bien visible qu'un
BHOLE invisible ", une " chose longue et visqueuse [...]
dont jamais aucun homme n'a pu voir la forme ". Le royaume
souterrain des Vampires débouche sur un bois dont l'orée
n'est guère mieux fréquentée, par les gigantesques
GUGS et par les nocturnes PALES, " êtres répugnants
qui [...] sautent sur leurs longues pattes de derrière ".
Vampires, Gugs et Pâles se dévorent entre eux ; en
fait, ils dévorent tout ce qui leur tombe sous la dent. Carter
assiste à la lutte entre un Gug et plusieurs Pâles,
évoquant celle des Lycaons mettant en fuite le lion, ou des
orques déchiquetant une baleine.
Randolph Carter traverse ensuite de nombreuses terres où
il ne fait plus guère de mauvaises rencontres, puis un océan.
La route a été longue qui l'a mené à
la cité de Céléphaïs, et les terres désertiques
qui l'accueillent ensuite laissent apercevoir à l'horizon
une gigantesque chaîne de montagnes, survolée par les
SHANTAKS, d'énormes et écailleuses choses ailées
à la tête de cheval ; et l'explorateur fait, une nouvelle
fois à son corps défendant, son deuxième voyage
dans les airs (après avoir été agrippé
par une Maigre Bête de la Nuit). Au delà des montagnes
se trouve Leng, dont l'affreuse réputation fait murmurer
les occultistes du Monde de l'Eveil. Ses repoussants habitants s'y
livrent à d'ignobles bacchanales, et qui sait si les rêveurs
de l'antiquité ne virent pas en ces créatures pourvues
de cornes et de sabots les satyres de la légende (qui inspirèrent
eux-mêmes le diable chrétien ) ? Mais cela n'est encore
rien. Car Leng est " le lieu le plus affreux et le plus mal
famé, [...] où se trouve le monastère préhistorique
où vit en solitaire l'indescriptible Grand Prêtre qui
porte sur son visage un masque de soie jaune ". Le Roi en Jaune
est un des ETRES DE LA LUNE dont ceux de Leng sont les esclaves,
" de grandes choses glissantes, blanches et grises qui pouvaient
à volonté s'étirer ou se contracter et dont
la forme principale [...] était celle d'une sorte de crapaud
sans yeux, dotés d'une curieuse masse vibratile faite de
courts tentacules roses bougeant au bout d'un groin aplati ".
Randolph Carter échappe à tous ces périls,
mais le séjour de Kadath, au delà de l'immensité
située après le plateau de Leng, lui est interdit.
The
Whisperer in Darkness (1930) est un classique du cycle de Cthulhu.
L'action se situe dans les collines du Vermont, hantées par
- légende ou réalité ? - des créatures
dotées d'un " corps de crustacé portant une énorme
paire de nageoires dorsales ou d'ailes membraneuses et plusieurs
groupes de membres articulés ". Ces rapports concernant
les créatures sont liés à de nombreuses disparitions
humaines, et les responsables, identifiés au légendaire
MI-GO (l'Abominable Homme des Neiges !), sont ceux du Dehors, entités
intelligentes venues de la planète Yuggoth (Pluton), un "
monde ténébreux de jardins fongoïdes et de villes
sans fenêtres ", et pour lesquelles nous ne sommes que
des cobayes.
Du
Vermont, rendons-nous dans les immensités glacées
de l'Antarctique, où une expédition scientifique découvre
une impressionnante cité oubliée au delà d'une
tout aussi immense chaîne de montagnes (At the Mountains of
Madness, 1931). Dans ses ruines, des sculptures dévoilent
un aspect secret des origines de la vie sur notre planète.
Des formes de vie très différentes ont foulé
la Terre à des époques incommensurablement lointaines.
Les GRANDS ANCIENS étaient là " avant que la
vie véritable ait seulement existé sur Terre. Ils
furent les créateurs et les tyrans de cette vie ".
Une parenthèse avant d'aller plus loin
: ces Grands Anciens ne sont pas ceux du cycle de Cthulhu, des dieux
venus d'autres dimensions. En fait, ces êtres " en forme
de tonneau, de nature totalement inconnue, probablement végétale,
[...] (avec des) ailes membraneuses, tendues sur une carcasse de
tuyaux glandulaires ", sont une race de créatures de
nature matérielle, et Cthulhu et sa progéniture en
sont une autre ; At the Mountains of Madness, par sa conception
différente de Grands Anciens, se situe en marge du Cycle
; la raison en est simple : le texte relève plus franchement
de la science-fiction que la production habituelle de l'écrivain.
Second point : j'ai quelque scrupule à faire figurer ces
extra-terrestres plus intelligents que nous dans le Bestiaire ;
néanmoins, ils y ont leur place selon la conception humaine
de la monstruosité.
La première vie créée sur notre planète,
des " masses protoplasmiques multicellulaires susceptibles
de façonner leurs tissus ", avait pour nom : les SHOGGOTHS.
Ces créatures sans pensée consciente étaient
employées comme bêtes de somme. Ce n'est que bien plus
tard que vint du fond des étoiles une " race terrestre
d'êtres en forme de pieuvres, probablement la fabuleuse progéniture
préhumaine de Cthulhu ", qui affronta les grands Anciens
; une guerre qui s'acheva par une nouvelle répartition des
territoires. Pendant le Jurassique, les grands Anciens eurent à
faire face à une seconde invasion (après celle des
PIEUVRES COSMIQUES) : des " créatures mi-champignons,
mi-crustacés ", les Mi-Go - d'où une nouvelle
perte de territoires. " Les Anciens [...] restaient strictement
matériels et devaient avoir pris naissance à l'intérieur
du continuum connu de l'espace-temps, tandis qu'on ne pouvait risquer
que les suppositions les plus hasardeuses sur les sources premières
" des Mi-Gos et des rejetons de Cthulhu.
Winged Death (1933), signé Hazel Heald, est un texte mineur
qui introduit deux nouvelles créatures, hantant l'Ouganda,
de manière plutôt allusive : " C'étaient
des repaires ou des avant-postes des PECHEURS D'AILLEURS - quel
que soit le sens de ces mots - et des dieux malfaisants Tsathoggua
et Cthulhu. On dit qu'ils ont encore aujourd'hui une influence maléfique
et un certain rapport avec les MOUCHES-DEMONS ". Les mouches
voleuses d'âmes ont le rôle central chez Heald / Lovecraft,
mais il faudra attendre Lin Carter (The Fishers from the Outside,
traduit dans Les Légendes Xothiques, Oriflam) pour voir réapparaître
Les pêcheurs d'Ailleurs, identifiés au dieu Groth Golka
(R.E. Howard, The Gods of Bal Sagoth), inspirateur de la légende
de l'Oiseau-Roc (et en réalité une survivance de la
préhistoire, cf. Howard).
The
Shadow out of Time (1935) renoue avec l'esprit SF de At the Mountains
of Madness, et évoque " une race relativement récente,
d'apparence bizarre et compliquée, [...] et qui s'était
éteinte cinquante millions d'années à peine
avant la venue de l'homme. Ce fut [...] la race la plus importante
de toutes, car elle seule avait conquis le secret du temps ".
" Ceux de la GRAND-RACE étaient d'immenses cônes
striés de dix pieds de haut, avec une tête et d'autres
organes fixés à des membres extensibles d'un pied
d'épaisseur partant du sommet. Ils s'exprimaient en faisant
claquer ou frotter d'énormes pattes ou pinces [...] ".
La survie de la Grand-Race à travers le Temps se fit en transférant
leurs esprits dans des corps d'autres espèces et d'autres
époques. Les esprits originaux chassés étaient
maintenus prisonniers en attendant de récupérer le
corps " emprunté ". " Parmi les esprits terrestres,
il y en avait de la race semi-végétale, ailée,
à la tête en étoile, de l'Antarctique paléogène
; un du peuple reptilien de la Valusie des légendes ; trois
sectateurs hyperboréens de Tsathoggua, des préhumains
couverts de fourrure ; un des très abominables Tcho-Tchos
; deux des arachnides acclimatés du dernier âge de
la Terre ; cinq des robustes espèces de coléoptères,
successeurs immédiats de l'humanité [...]. Une seule
race, une " horrible race ancienne d'entités tout à
fait extra-terrestres, à demi polypes ", se montra foncièrement
hostile : les Pieuvres Cosmiques. " Leurs esprits étaient
d'une telle nature que ceux de la Grand-Race n'avaient pu faire
aucun échange avec eux ". Aucunement belliqueuse, uniquement
préoccupée de sa survie, la Grand-Race venue de la
lointaine Yith réapparut chez August Derleth (The Shadow
of the Space, traduit dans l'intégrale Lovecraft) et Brian
Lumley (The Transition of Titus Crow, traduit dans L'abominable
Cthulhu).
Le
Bestiaire du Cycle de Cthulhu ne serait pas complet sans la mention
de tous les apports extérieurs. 1929 voit la première
apparition de deux créatures, imaginées respectivement
par Frank Belknap Long et Robert E. Howard, dont l'importance dans
le Cycle est telle qu'HPL lui-même les a régulièrement
mentionnées.
Les CHIENS DE TINDALOS demeurent dans les Espaces Extérieurs,
et Long donne d'eux une vision peu claire dans la nouvelle qui porte
leur nom (" Il n'y a pas de mots dans notre langue pour les
décrire ! "). Malgré - ou à cause de -
ce mystère, les chiens de Tindalos ont été
réutilisés par Henry Kuttner, Brian Lumley, Lin Carter,
Thomas F. Monteleone, entre autres ; Lumley, surtout : " [...]
Ils sont difficiles à décrire. [...] Une souillure
saus forme vivante, et pourtant incarnée dans une enveloppe
évoquant vaguement une chauve-souris, des guenilles de Mal
à l'état pur, des buveurs vampiriques se repaissant
de la vie même ".
Le PEUPLE-SERPENT vivait quant à lui sur Terre, avant l'apparition
de l'Homme. Ensuite, les deux races se sont continuellement fait
la guerre, et les humains ont massacré les hommes-serpents
; mais ceux-ci n'ont pas entièrement disparu. Après
que le roi Kull de Valusie ait cru les avoir exterminé il
y a maintenant 20000 ans (R.E. Howard, The Shadow Kingdom, 1929,
traduit dans Kull le roi barbare, NéO), ils ont survécu
dans l'ombre jusqu'à une période récente (The
Children of the Night, 1931 ; People of the Dark, 1932 ; The Temple
of Abomination) ; au fil des siècles et des millénaires,
ils ont dégénéré jusqu'à prendre
une forme plus proche de leur abominable nature : celle du VER.
Brian Lumley, encore lui, a révélé cette atroce
vérité : le Ver est le véritable inspirateur
du Serpent de la Bible. Matthew J. Costello reprend cette théorie
dans Wurm. C'est également le Ver qui est à l'origine
des légendes des dragons (lire à ce propos : R.E.
Howard, The Valley of the Worm, traduit dans Le pacte noir, NéO
; Stephen Laws, Wyrm, traduit chez J'ai Lu Epouvante sous le titre
Le Veur). Outre ceux déjà cités, le Ver a été
utilisé dans un grand nmbre de textes du Cycle : chez Howard
(Worms of the Earth, traduit dans Bran Mak morn, NéO), Robert
Bloch, Clark Ashton Smith (The Coming of the White Worm, traduit
dans l'Empire des nécromants, NéO), Lumley (Cement
surroundings et The Burrowers Beneath, traduits dans L'abominable
Cthulhu), Gary Myers (The House of the Worm), Stephen King (Jerusalem's
Lot, traduit dans Danse macabre, J'ai Lu), Graham Masterton (The
Wells of Hell, traduit chez Pocket Terreur sous le titre Les puits
de l'enfer). La présence du Ver s'est manifestée hors
du Cycle - et antérieurement au Cycle. Ainsi, c'est le cas
d'un classique méconnu paru en 1919 dont Patrice Duvic écrit
: " Enfin, avec [...] son dernier roman, c'est au plus profond
de la campagne anglaise qu'il vient traquer l'horreur, c'est dans
les vieilles légendes celtiques qu'il trouve son inspiration.
[...] Ouvrant ainsi dans ses dernières uvres [...]
la voie [...] à Lovecraft avec ses Grands Anciens [...],
il est l'un des grands précurseurs de terreur moderne. "
(préface aux Récits gothiques, Fleuve noir). Le roman
s'intitule The Lair of the White Worm (Le repaire du Ver blanc),
et son auteur est Bram Stoker : " Dans le passé, aux
premiers jours du monde, il y eut des monstres qui étaient
tellement énormes qu'ils ont pu exister durant des milliers
d'années. Quelques-uns d'entre eux ont pu survivre jusqu'à
l'ère chrétienne et évoluer intellectuellement
au cours du temps. [...] La tradition dit que l'un d'entre eux,
qui vivait dans le Marais de l'Est, se réfugia dans une caverne
à Diana's Grove, appelée depuis lors le Repaire du
Ver blanc. De telles créatures ont pu grandir secrètement
[...]. Elles ont pu se développer à l'intérieur,
par exemple, d'êtres humains. " (B. Stoker, Le repaire
du Ver blanc, dans Récits gothiques).
C'est
bien entendu dans l'ouvrage maudit Necronomicon que le Bestiaire
lovecraftien a été le plus détaillé.
Hélas, seuls des extraits ont été révélés
à la connaissance du monde. L'un d'eux, le plus connu sans
doute, a été repris dans le roman d'August Derleth
The Trail of Cthulhu (1953) : " C'est avec l'étoile
à cinq branches, sculptée dans la pierre grise de
l'antique Mnar, qu'est forgée l'armure que l'on oppose aux
sorcières et aux démons, à Ceux des Profondeurs,
Dhols, Voormis, au peuple Tcho-Tcho, à l'abominable Mi-Go,
aux Shoggoths, aux Valusiens, à tous ces peuples et à
tous ces êtres qui servent les Grands Anciens et leur descendance,
mais elle est moins puissante contre les Grands Anciens eux-mêmes
". Les créatures citées dans cet extrait, auxquelles
s'ajoutent les BYAKHEES, horreurs ailées des Espaces Extérieurs
au service d'Hastur, qui apparaissent dans le même roman,
sont autant d'apports au Mythe par différents auteurs, et
parfois des emprunts à des écrivains antérieurs
au Cycle ; apports de Howard Phillips Lovecraft (Ceux des Profondeurs,
les TCHO-TCHOS semi-humains réutilisés par Derleth
qui en a fait les serviteurs de Lloigor, les Mi-Gos, les Shoggoths),
Arthur Machen (les Dhols, des Vers gigantesques inspirés
des légendes celtiques, comme ceux de Stoker, Howard et Laws),
Clark Ashton Smith (les VOORMIS d'Hyperborée au service de
Tsathoggua), Robert Erwin Howard (le Peuple-Serpent de Valusie).
Et ceci n'est qu'un bref aperçu d'un Bestiaire qui n'a cessé
de se développer au fil des ans, de plus en plus de romanciers
y ayant apporté leur contribution, un aperçu qui s'est
surtout limité à la première génération
de Monstres Lovecraftiens.
Zoom maintenant, sur la créature des créatures,
Cthulhu bien sûr..... Le Monstre favori de Jacky Ferjault....
Jacky
Ferjault (c)
" Tous mes contes [...] se basent sur une croyance
légendaire fondamentale qui est que notre monde fut à
un moment habité par d'autres races qui, parce qu'elles pratiquaient
la magie noire, furent déchues de leurs pouvoirs et expulsées,
mais vivent toujours à l'extérieur, toujours prêtes
à reprendre possession de cette Terre".
Il y a cent cinquante millions d'années, deux races venues
des étoiles se sont donc disputées la possession de
notre Terre : les " Anciens " (ou " Grands Anciens
") et la " Grande Race ". " Ce fut la race la
plus importante de toutes, car elle seule avait conquis le secret
du temps. [...] Les réalisations de cette race avaient donné
naissance à toutes les légendes des prophètes,
y compris celle de la mythologie humaine."
Dans une lettre à Harold S Farnese, Lovecraft, bien que ne
traitant pas spécialement de L'Appel, s'est ultérieurement
expliqué quant au fond : " Pour moi, le sens de l'inconnu
est une partie authentique et pratiquement permanente - rarement
dominante - de la personnalité humaine ; un élément
trop basique pour être détruit par l'idée contemporaine,
dans le monde, que le surnaturel n'existe pas. Il est vrai que nous
ne croyons plus depuis longtemps à l'existence d'une intelligence
désincarnée et aux forces superphysiques censées
nous entourer. [...] Mais en dépit de cette désillusion,
il reste deux facteurs - l'un d'eux a pour l'instant pris de l'importance
- qui n'ont pas été touchés par le changement
: d'abord, le sens de la rébellion impatiente contre la tyrannie
rigide et inéluctable du temps, de l'espace et des lois naturelles
- un sens qui nous conduit à imaginer toutes sortes d'échecs
hypothètiques et plausibles de cette tyrannie - ensuite,
une curiosité brûlante concernant les vastes recherches
des espaces cosmiques insondables et insondés qui oppriment
cruellement toutes les facettes de notre sphère minuscule
et pitoyable de la connaissance. Je crois qu'entre ces deux éléments
survivants, le champ de l'étrange doit nécessairement
continuer à avoir sa raison d'être, et que la nature
de l'homme doit nécessairement encore trouver une expression
occasionnelle (même de façon limitée) par la
symbolique et le fantastique en incluant la frustration hypothétique
de la loi physique, et l'extrusion originale de la connaissance
et de l'aventure au-delà des limites imposées par
la réalité."
Toute l'uvre de Lovecraft est placée sous la menace
permanente du retour des Grands Anciens, d'autant plus pernicieuse
qu'elle est méconnue, sauf des sournois du genre humain.
Lovecraft nous le dit sans ambages : " Quand je songe à
l'étendue de tout ce qui s'embusque au fond de l'océan,
il me prend des envies de me donner la mort sans plus attendre."
C'est précisément au fond de l'océan que le
plus célèbre des grands Anciens, Cthulhu, attend son
heure. " Ph'nglui mgln'nafh Cthulhu / R'lyeh Wgah'nagl fhtagn.
", c'est-à-dire 'Dans sa demeure de R'lyeh, la ville
morte, Cthulhu attend et rêve. " R'lyeh - comment ne
pas penser à l'Atlantide ? - est " la cité aux
corps morts, la cité de cauchemar, bâtie depuis des
éons infinis. [...] C'est là que reposent le grand
Cthulhu et ses hordes, cachés dans des tombes vertes et gluantes.
"
Bien
entendu, dans L'Appel de Cthulhu, les lecteurs-explorateurs impénitents
que nous sommes, vont, par Johansen, Hawkins et Wilcox interposés
- les héros du récit - appréhender, aux deux
sens du mot, la découverte de Cthulhu : " L'ouverture
était noire, d'une obscurité presque tangible. Ces
ténèbres avaient, en vérité, une qualité
positive. Elles conservaient, en effet, dans l'ombre les parties
des murs intérieurs qui auraient dû être révélées
et elles commençaient même à cracher une sorte
de fumée, née d'un emprisonnement vieux de tant d'éons,
qui assombrissait visiblement le soleil au moment où celui-ci
s'éloignait, furtif, dans le ciel rétréci et
gibbeux, en battant ses ailes membraneuses. L'odeur qui s'élevait
de ces profondeurs nouvellement découvertes était
intolérable et Hawkins, enfin, qui avait l'oreille sensible,
dit qu'il croyait percevoir tout en bas le son désagréable
qu'auraient produit des pas sur le sol détrempé. Tous
écoutèrent, et ils écoutaient tous encore lorsqu'Elle
s'avança, pesante, et leur apparut au moment où Elle
faisait glisser en tâtonnant Son immensité verte, gélatineuse,
par l'ouverture noire, afin de gagner l'air pollué, sorti
de cette cité de poison et de folie. [...] La Chose ne peut
être décrite. [...] Au bout de vingt millions d'années,
le grand Cthulhu était à nouveau libre et ivre de
joie. [...] Le grand Cthulhu se laissa glisser , tout graisseux,
dans la mer et se lança à leur poursuite. ".
Mais Johansen aura raison - qui l'eut crû ? - du monstre et
" Cthulhu vit toujours, [...] enfermé à nouveau
dans le gouffre de pierre qui l'a protégé depuis que
le soleil est jeune. Sa cité maudite s'est enfoncée
une fois de plus "
Ainsi naquit le monstrueux et fascinant personnage.
Le texte fut refusé une première fois (" Le Petit
Farnie
a refusé l'histoire de Grand-papa intitulée Cthulhu
sous prétexte qu'elle était trop lente et trop obscure
pour ses joyeux minus de lecteurs",
puis accepté en 1927 (et payé 165 dollars). A propos
des Montagnes Hallucinées, Lovecraft reviendra sur ce refus
en l'éclairant : " Oui - Wright a expliqué son
refus des Montagnes Hallucinées dans presque les mêmes
termes avec lesquels il avait expliqué les refus récents
à Long et à Derleth.
C'est 'trop long, pas facilement divisible en parties, pas convaincant'
- etc. Tout comme ce qu'il avait dit de mes textes (sauf pour la
durée) - il en a juste accepté certains après
de nombreuses hésitations. Ces textes d'abord refusés
puis acceptés comprennent Cthulhu, La Tombe et d'autres ."
L'Appel de Cthulhu fut donc publié avec succès en
février 1928. " Une part du succès venait sans
doute du fait que " The Call " était construit
comme un excellent roman policier. D'abord une succession de faits,
apparemment sans lien entre eux : des images vues en rêve,
des cas de folie, les tentatives de peinture et de sculptures devant
suggérer l'indicible, les activités de sectes étranges,
les invocations qui montent aussi bien des bayous de Louisiane que
des igloos esquimaux. Et peu à peu les éléments
du puzzle s'ordonnent, s'assemblent, s'éclairent, dessinent
les contours de l'effrayante réalité dissimulée
derrière tous ces événements : le réveil
du grand Cthulhu. Le tout avec un ton de froide enquête, de
simple constat."
Mais ce succès engendra une anecdote piquante racontée
par l'auteur lui-même : " L'éditeur littéraire
du Journal - Bertrand H. Hart - tomba par hasard sur mon Cthulhu
dans l'anthologie de Harré (encore que je n'aie pas mentionné
que j'écrivais moi-même de la fiction lorsque j'ai
récemment pris part à une discussion sur la fiction
fantastique dans les colonnes de son Sideshow quotidien) et fut
assez troublé car il demeure au 7 Thomas Street - la maison
du Providence ancien, sur le chemin de la colline, où j'ai
installé le jeune sculpteur Wilcox ! La coïncidence
lui était on ne peut plus étonnante - ou l'aurait
été, si la maison en question n'était pas le
centre particulier pour toutes sortes et situations d'esthètes.
Il encensa Cthulhu assez généreusement dans le Journal
mais jura que, pour venger l'horreur de son vieux quartier, il en
référerait aux apparitions, et aux goules locales
et m'enverrait un monstrueux visiteur chez moi, à trois heures
du matin ! Cette menace - faite dans le Journal du dernier vendredi
- m'a contraint à lui envoyer le récit qui suit sur
la façon dont le messager sans nom fut reçu :
LE
MESSAGER
- A B.K. Hart, Esq. -
La
Chose, avait-il dit, viendra cette nuit à trois heures
Depuis l'ancien cimetière* au bas de la colline ;
Mais, blotti près de la lueur salutaire d'un feu de chêne,
J'essayais de me convaincre que c'était impossible.
Assurément, méditais-je, c'était une plaisanterie
Imaginée par quelqu'un ne connaissant pas
Le signe des Anciens, légué depuis bien longtemps,
Qui libère les formes maladroites des ténèbres.
Il n'avait pas voulu dire cela ... non ... pourtant j'allumai
Une autre lampe comme le Lion gemmé d'étoiles surgissait
Au-dessus de Seekonk **, un clocher sonna
Trois heures ... et la lueur du feu diminua peu à peu.
Alors on frappa prudemment à la porte ...
Et la vérité démentielle me dévora comme
une flamme !
*
L'ancien cimetière de St-John, où les racines des
vieux arbres s'entrelacent parmi les tombes et les autels de pierre
datent de 1723, s'étend sur la colline escarpée à
cinq pâtés de maisons du 10, Barnes Street. Il est
totalement caché depuis la rue par le quadrangle de l'ancienne
église et des maisons diocésaines. Aucune nécropole
plus pittoresque et sinistre n'existe aux USA - c'est réellement
l'exemple du lieu cher à Randolph Carter !
** La rivière forme la limite est de Providence - avec ses
rives boisées et ses falaises intactes sur lesquelles j'avais
l'habitude de me balader durant mon enfance.
Durant
les années qui suivent la publication du texte, l'auteur
explique. " Aucune prose narrative ne pourra être écrite
qui violerait certaines lois d'harmonie et de bienséance,
encore que d'un autre côté, la meilleure prose n'attire
jamais par des artifices de structure. La conversation, lorsqu'elle
est utilisée, doit absolument être réaliste
- en violant toutes les autres considérations au profit d'une
totale vraisemblance. La même chose vaut pour les lettres
et les autres extraits cités. Ce doit être en harmonie
avec les auteurs supposés, et non avec la ligne globale du
texte. Je pense que je possède deux sortes d'atmosphères
dans mes écrits fantastiques - l'un lorsque je sens la nécessité
du réalisme scientifique, et que j'essaie de réussir
un air convaincant de sobriété objective où
le merveilleux ressort par contraste (La Couleur tombée du
Ciel, Cthulhu, Celui qui chuchotait, etc.) et l'autre lorsque je
me sens moi-même à moitié impliqué dans
l'incertitude nébuleuse du rêve dépeint, et
que j'essaie de transmettre l'allusion du doute fébrile et
de l'appréhension inhérente à une vision imparfaitement
entrevue (Randoplh Carter, Erich Zann, etc.). Actuellement, je pense
que l'une est aussi valable que l'autre - le choix étant
dicté par le thème. "
Il précise même : " Au fil du temps, j'essaie
d'oublier la littérature formelle, et d'imaginer simplement
un mensonge aussi minutieusement qu'un témoin douteux prépare
son témoignage en ayant présent à l'esprit
les avocats d'un contre-interrogatoire. Je prends de temps à
autre la place des avocats - en trouvant des fausses pistes dans
le témoignage originel, après quoi j'arrange à
nouveau les détails et les motivations en prenant grand soin
de leur probabilité. Non que j'y réussisse particulièrement,
mais parce que je pense que je possède la méthode
de base élaborée pour donner un maximum de résultats
si je l'utilise de façon experte. Cet idéal m'apparut
lors de ma période " Cthulhu ". "
Le
succès du conte a bien évidemment généré,
de la part de ses correspondants amis, des questions auxquelles
l'auteur a répondu ultérieurement.
C'est ainsi qu'on peut lire dans le récit " Le professeur
Angell [...] s'était interrogé au sujet des hiéroglyphes
inconnus et [...] avait entendu les syllabes menaçantes qu'on
ne peut rendre que par 'Cthulhu' ". Dernier mot sybillin qui
interpella certainement Duane Rimel. Lovecraft explique : "
Cette anecdote sur l'entretien de Wandrei au
sujet de Cthulhu est tout à fait fictionnelle. Je ne me souviens
de rien à ce sujet, bien que j'ai probablement expliqué
à Wandrei que j'avais dit aux autres que le mot était
supposé représenter une tentative humaine tâtonnante
de saisir les phonétiques d'un mot complètement non
humain. Le nom de l'entité diabolique fut inventé
par des êtres dont les organes vocaux n'étaient pas
comme ceux des hommes, d'où la nécessité de
ne pas avoir recours à un discours humain. Les syllabes étaient
déterminées par un outil physiologique totalement
différent du nôtre, d'où le fait qu'elles ne
pouvaient jamais émaner d'une gorge humaine. Dans le récit,
nous avons des êtres humains qui utilisent habituellement
le mot du mieux qu'ils peuvent ; mais tous ne peuvent le faire qu'approximativement.
Ils le font en utilisant leur gorge d'étrange façon
pour imiter le son original de leurs ancêtres entendu de gorges
non humaines.
Cette étrange
utilisation de la gorge humaine fait un son comme le son original
non humain, mais ce n'est en aucune façon un discours humain
ou des sons que nous entendons communément. C'est un son
étranger, non familier, que les êtres humains ne peuvent
seulement faire qu'avec effort, et qu'ils ne penseraient jamais
à faire s'ils n'imitaient pas quelque chose de non humain.
La sorte d'effort ou de bruit faite dans cette voie n'est pas vraiment
comme le parler, mais c'est plus que le son que fait un homme lorsqu'il
essaie d'imiter avec sa bouche un sifflement vaporeux ou le chant
du coq ou le vent hurlant ou le cheval hennissant. Au début
de ce récit, lorsque le professeur Angell s'intéresse
au problème, il n'y a jamais eu de tentative de rendre le
nom diabolique du monstre R'lyeh dans notre alphabet [...]. Le traducteur
latin a simplement copié le grec. Les lettres CTHULHU furent
simplement ce que le professeur Angell imagina à la hâte
de représenter (certes de façon rude et imparfaite),
le nom rêvé que le jeune artiste Wilcox lui avait oralement
prononcé. Le son actuel - aussi près que des organes
humains l'imiterait ou que des lettres humaines le montrerait -
pourrait être quelque chose comme Khlûl'-hloo, avec
la première syllabe prononcée gutturalement et très
bêtement. Le u est à peu près identique à
celui de full ; et la première syllabe n'a rien du son klul
puisque le h représente la densité gutturale. La seconde
syllabe n'est pas très bien rendue - le son l n'étant
pas représenté. Ma conception minutieuse de ce nom
est une sorte de protestation contre la folle et puérile
habitude de la plupart des écrivains de fantastique et de
science-fiction d'utiliser des entités tout à fait
non humaines comme un catalogue de caractères tout à
fait humains, comme si des êtres aux organes étrangers
pouvaient posséder un langage basé sur des organes
vocaux humains. Actuellement, chaque nom supposé avoir été
créé par des non humains devrait être soigneusement
composé de telle sorte qu'il ne soit pas conforme aux principes
du vocalisme et du langage humains."
Cthulhu
donna naissance à une galerie d'entités - elles forment
le mythe de Cthulhu - nées bien évidemment de l'imagination
enfiévrée de Lovecraft. Et il est curieux de constater
que l'idée que se font aujourd'hui de l'existence réelle
de ces dieux-démons les lecteurs d'HPL date en fait de la
publication du texte, puisque l'auteur dut préciser à
l'un de ses correspondants, pourtant versé dans le fantastique
: " En ce qui concerne le cycle mythique, cité avec
solennité, Cthulhu, [...] laissez-moi vous confesser que
le tout n'est qu'une concoction synthétique de mon crû."
Cthulhu est donc inséparable d'Howard Phillips Lovecraft,
éternel grand enfant, pour notre plus grande joie - qui confiait
en 1931 : " J'aurais beaucoup aimé vivre dans un cosmos
empli de mes préférés Cthulhu, Yog-Sothoth
et autres Tsathogguas"
. Cité
par F. Lacassin, préface à aux Mythes de Cthulhu, Ed. R. Laffont, collection
Bouquins, 1991
. HP Lovecraft, Dans l’abîme du temps.
. Lettre à HS Farnese du 22.09.1932.
. Les textres en italique sont extraits
de L’Appel de Cthulhu, d’HP Lovecraft..
. Farnsworth Wright, le rédacteur
en chef de Weird Tales.
. Lettre à FB Long du 26.10.1926.
. Frank Belknap Long et August Derleth,
amis et correspondants d’HPL (NdlR)
. Lettre à V Shea du 7.08.1931
. Jacques Van Herp, La mythologie de Cthulhu, in Dossier HP Lovecraft, Ed. Phénix
n° 35
. Lettre à CA Smith du 3.12.1929
. Lettre à CA Smith du 7.11.1930
. Lettre à CA Smith du 17.10.1930
. Autre ami et correspondant d’HPL
(NdlR)
. Lettre à D Rimel du 23.07.1934.
. Lettre à Robert Howard du 14.08.1930.
. Lettre à A Derleth du 10.12.1931
|
|