C comme Cryptozoologie

Nous vous proposons maintenant un petit tour chez les helvètes…. Ou il est question de cryptozoologie, mais aussi de Jacques Bergier et de la Maison d’Ailleurs…. Un reportage 100% odésien !


Philippe Marlin ©



Samedi 10 mars 2001 :

départ à 7h12 gare de Lyon, pour un week end odéso-bergierien placé d’emblée sous de sombres auspices ; une vague de désistements frappe les équipes parisiennes, notre imprimeur nous fait faux bond et oublie de nous livrer « Admirations » que nous devions présenter et Isabelle Vichniac, sœur de Jacques Bergier, est en….. Tunisie. Cette visite à Isabelle était le but du voyage, mais notre ami Pat avait dû la prévenir……
un peu trop tard. Pat Clot, président de l’Association des Amis de Jacques Bergier, m’avait la veille quelque peu consolé : ce n’est pas grave, nous verrons Gabriel Véraldi, un ancien de l’aventure Planète et auteur d’une intéressante biographie sur Louis Pauwels.
11 heures à Genève Cornavin ; l’équipe parisienne (Claire, Sliders et votre serviteur) retrouve deux autres odésiens, arrivés en voiture, Jean-Luc Buard le Rocambole et Charles Moreau, auteur d’une bibliographie sur Jacques Bergier. Mais aucune trace de l’équipe suisse…….
Nous nous installons dans un bistrot pour tuer le temps. Le téléphone portable de Pat ne répond pas et j’essaie de faire comprendre à Charles que nous ne verrons pas Isabelle. Début d’apoplexie…..
Il appelle chez les Vichniac où on lui répond que Madame est absente pour 15 jours…..
La crise d’apoplexie prend de l’ampleur, d’autant que nous ne trouvons nulle trace de Gabriel Véraldi qui devait également nous attendre à la sortie du TGV. Nous apprendrons ultérieurement que Pat a annulé ce rendez vous car notre équipe n’était pas assez importante pour justifier le déplacement de cette sommité des Arts et des Lettres……….

Pat Clot


Nos estomacs commencent à crier famine alors qu’à 12h30 arrive une première délégation helvète, rescapée d’embouteillages aléatoires : le brave Marc, le comte Nicolas et sa comtesse. Pas de trace de Pat qui est quelque part aux prises avec sa patomobile…….
Nous ramons pour trouver un restaurant non réservé et échouons dans une pizzeria place de la gare. Pat finit par nous rejoindre, son septième sens légendaire lui ayant indiqué sans ambiguïté l’endroit où nous nous étions repliés. Il offre un bouquet de fleurs à la princesse de l’Odésie et une bouteille de vin à Sliders et à Péheme, technique éprouvée pour se faire pardonner de Charles de continuer à bouillir en silence…….

Charles Moreau

Petite visite après déjeuner dans une bouquinerie fort bien fournie derrière la gare. Chacun fait le plein de Néo ou d’Aventures Mystérieuses. Je mets pour ma part la main sur le dixième tome de Politica Hermetica, une excellente revue fort érudite en matière ésotérique ; au sommaire, entre autre, une étude constructive sur Planète et le Matin des Magiciens, une critique très rigoureuse des fantasmes habituels sur Rennes-le-Château et une belle analyse de l’œuvre d’Abellio…..
Je reviendrai sur tous ces sujets dans Murmures. Pat achète une anthologie sur l’Allemagne Fantastique pour Julie qui n’a pu hélas être des nôtres.
Puis départ pour Lausanne avec Marc, notre sympathique chauffeur pour ce week end. Objectif, le palais de Rumine où se trouve un musée dédié à la cryptozoologie. Les bouchons sont redoutables et nous arrivons juste avant la fermeture. Nous allons enfin découvrir les merveilles sur lesquelles nous avons salivé après lecture de cet article du Temps :
VAUD. Le Musée cantonal de zoologie est légataire de la collection de Bernard Heuvelmans, le père de la science étudiant les animaux dont l'existence n'est pas prouvée. « Pour les chasseurs d'animaux mythiques, toutes les pistes mènent à Lausanne » - Anne Bussy. Il est plutôt rare d'avoir le plaisir d'écouter un scientifique reconnu commenter abondamment un cliché de Nessie, le monstre du loch Ness. Cette occasion s'est présentée vendredi au Musée cantonal de zoologie de Lausanne, et s'y reproduira certainement: l'institution vient de recevoir la somme des cinquante ans de travaux du Dr Bernard Heuvelmans, scientifique mondialement connu, aujourd'hui retraité, et fondateur de la cryptozoologie (du grec kryptos, qui signifie caché), science tout à fait sérieuse qui étudie les animaux dont l'existence n'est pas prouvée.

Dr Bernard Heuvelmans

Bernard Heuvelmans, Belge devenu docteur ès sciences à l'âge de 23 ans déjà, a analysé les récits, dessins, photos, empreintes, ossements et autres témoignages qui constituent des faisceaux de preuves établissant l'existence d'une bête. Il a ainsi appliqué des méthodes rigoureusement scientifiques à un contenu sur lequel le doute plane: le yeti et autres HSV (hommes sauvages et velus), le dragon, le poulpe colossal et les serpents de mer, qui naviguent sur la frontière entre réalisme et fantaisie, jusqu'au jour de leur éventuelle découverte. Ce trésor unique au monde comprend essentiellement des documents, notamment une centaine de boîtes d'archives contenant 25 000 dossiers originaux, autant de photos, une cartothèque, une riche correspondance et une bibliothèque de 2500 livres traitant aussi bien de zoologie que de cryptozoologie. «Car pour être un bon cryptozoologue, il faut être un bon zoologue», souligne Daniel Cherix, conservateur adjoint du musée.

Le Musée ouvrira mercredi 13 octobre une vitrine d'exposition retraçant le travail accompli par Heuvelmans. Personnalité hors du commun, le zoologue d'origine belge établi à Paris a traduit de nombreux traités de zoologie, a été comédien, musicien de jazz à l'époque de Boris Vian, et a écrit de nombreux ouvrages, dont un succès de librairie en 1955, Sur la piste des bêtes ignorées. Là où sa démarche se rapproche de celle des chercheurs en zoologie, c'est par le fait que de nombreux animaux que l'on croyait mythiques ou disparus ont été découverts vivants: le poulpe géant en 1870, l'okapi en 1901, le dragon (varan) de Komodo en 1912 ou le colacanthe, dont l'empreinte fossile indiquait qu'il avait vécu il y a 200 millions d'années. En 1938, une chercheuse a repéré sur un marché au Mozambique ce poisson aux nageoires articulées. La dame s'est aperçue par la même occasion que la population locale le pêchait et le mangeait depuis de nombreuses années. L'une des bêtes qui ont beaucoup occupé Heuvelmans est sans doute celle qu'il a appelée «l'homme pongoïde», un humanidé sauvage et velu trouvé mort pendant la guerre du Vietnam et emmené par avion aux Etats-Unis dans le cadre des rapatriements des dépouilles de soldats américains. Emprisonné dans un bloc de glace, ce primate a pu être observé et photographié pendant trois jours par Heuvelmans et son ami scientifique Sanderson, avant que le FBI ne décide de le faire disparaître.

Certaines des histoires cryptozoologiques rappellent les déboires de Mulder et Scully avec les extraterrestres dans la série télévisée X-Files. «Heuvelmans est le garant de la scientificité de sa discipline. Nous devrons donc être très attentifs aux pièces qui nous seront adressées aux fins de compléter nos données, car les fumistes abondent», explique Michel Sartori, directeur du Musée de zoologie. Agé de 83 ans, retiré dans sa maison non loin de Paris, Heuvelmans ne souhaite plus apparaître en public. S'il a légué son ouvre au musée de Lausanne, c'est par amitié pour son conservateur adjoint, Daniel Cherix, dont il a fait la connaissance en 1985 à Lausanne. «Il m'a simplement dit: si cela vous intéresse, je vous lègue mes archives. Il est clair qu'en les acceptant, nous reconnaissons le sérieux de son travail», raconte-t-il. Chargé de maintenir, de compléter et de mettre à la disposition de la communauté scientifique son nouveau «département de cryptozoologie», le directeur Michel Sartori dit aujourd'hui espérer avoir les moyens de relever ce défi. Car même si le fonds est très bien rangé dans deux petites pièces du musée, tout doit être archivé, et l'iconographie doit changer de support. «Cela prendra plusieurs années de travail pour une personne», reconnaît-il. Et le directeur d'espérer qu'avec la prochaine réorganisation de son institution, d'ici à 2005, il pourra consacrer plus de place à la cryptozoologie, dont Lausanne est désormais capitale.

« Le Temps", Genève, 9.10.1999 »



Note de l’éditeur : Bernard Heuvelmans est décédé en août 2001

Allons tout de suite à la conclusion : il n’y a RIEN à voir ; RIEN. Le musée occupe une pièce minuscule dans le palais Rumine, avec quelques photos des expéditions de Heuvelmans et quelques croquis d’animaux vaguement étranges. Joseph Altairac a bien fait de sécher ; ce n’est pas ici qu’il trouvera son bon vieux Nessie empaillé…….. La boutique du Musée est tout aussi étrangère à la cryptozoologie. Même pas un bouquin sur le sujet, ni même une carte postale pour envoyer aux amis…….. Charles et Jean-Luc, victimes également des embouteillages lémaniques, arriveront trop tard pour la visite. Nous n’aurons aucune difficulté à les consoler.

Avec le brave Marc, nous décidons de prendre les choses en mains et de réserver un restaurant pour le soir. Pat, qui avait disparu, réapparaît comme par miracle, avec sa légendaire caisse à outils. On ne saura jamais qui est-il allé dépanner entre Genève et Lausanne.

Escale à l’hôtel Ibis où une partie des Exilés Odésiens ont élu domicile. Puis en avant pour le « Chalet Suisse » pour les agapes nocturnes. Le restaurant est dans le style « plus suisse, tu meurs », mais tout à fait adapté au besoin de dépaysement éprouvé par l’équipe. Le flon-flon de l’accordéon et les vocalises vaudoises n’arrivent pas à perturber le moral des troupes. Bien au contraire, la fondue de viandes au vin blanc et le petit fendant glacé rompent très vite les icebergs. Même Charles se laisse aller à quelques confidences sur ses rencontres avec Bergier et sur une série de rumeurs qui courent sur le compte du grand frère de notre Princesse. Nous constatons du reste avec terreur que nous sommes tous chopinisés.

Claire ayant en effet reçu de Claude Seignolle le baiser de Chopin, force nous est d’admettre que nous portons tous désormais l’ineffable virus. Petite parenthèse pour rigoler un bon coup sur les délires du Prieuré de Sion et les avatars de la famille Plantard, puis c’est au tour de Pat d’avouer. Des aveux torrides qui feront bientôt la une de Points de Vue, Images de l’Odésie. Il nous raconte en effet que la Princesse d’Irah, à la suite d’une soirée odésienne certainement trop arrosée, lui a adressé des poèmes fort émouvants. Conformément à notre sacro-saint principe de neutralité sentimentale, je m’efforce de détourner la conversation sur des sujets moins compromettants. Pat se prête volontiers au jeu, et nous raconte son ouvrage de SF favori, La Trêve du Sacre, de Peter Randa. Il y est question de six planètes, chacune dirigée par un Altairaque. Les six chefs de gouvernement sont placés sous l’autorité du Grand Altairaque. Et pour briguer à cette magistrature suprême, il faut réunir les six clefs des six mondes. Je commence maintenant à comprendre certaines bizarreries du comportement de l’érudit de Clignancourt……..

Dimanche 11 mars 2001 :

notre chauffeur est pile poil à l’heure suisse, direction Yverdon pour une visite à la Maison d’Ailleurs, après une escale sur un site mégalithique local. Marc prend l’autoroute dans le mauvais sens, mais le planning sera globalement respecté ! ! ! ! Les menhirs d’Yverdon sont très helvètes ; nettoyés, polis, restaurés, replantés sur des socles en béton. J’essaye de me brancher, mais ne capte aucun courant tellurique……. Chose étrange, au centre du site, Claire me fait remarquer que l’herbe est foulée sous forme de cercle ; un crop circle vaudois en quelque sorte…..
La Maison d’Ailleurs est située en plein centre ville, une ville qui malgré la pluie bruisse au son de la musique du carnaval. Les petits hommes verts sont partout ! Pat a bien fait les choses ce dimanche, et le musée de la science-fiction ouvre ses portes à l’heure de l’apéritif pour une visite privée. Pat arrive avec sa caisse à outils et son ami, ex le Chee, aujourd’hui, Jim Morrisson. Son accoutrement ne dépare pas en ce jour de festivités folkloriques. Nous sommes accueillis par Patrick Gyger, le dynamique conservateur du musée. Et même si notre hôte ne cesse de se lamenter sur la faiblesse des subventions de la commune, nous sommes tous agréablement surpris par la qualité de l’endroit, la richesse de la bibliothèque et le cachet de l’exposition. Celle-ci est consacrée à la xénobiologie, science parallèle à la cryptozoologie puisqu’elle n’est pas certaine de l’existence de l’objet de son étude. Les tableaux sont magnifiques, clin d’œil sur un air de « vrai-faux » à nos amis les extraterrestres. Nous faisons provision de reproductions d’autant plus que celles-ci sont gratuites ! ! ! ! Charles se déride lorsque Patrick lui montre le dossier de correspondance entre Pierre Versins (le fondateur du musée) et Jacques Bergier, tout en lui promettant de lui en tirer une copie. L’apéritif, sur base de vins locaux, coule à flot, ce qui a pour effet de redonner de jolies couleurs au Rocambole. Le conservateur nous entretient du grand projet de la Maison, celui de la commande passée par l’Agence Spatiale Européenne ; un partenariat comme nous les aimons à l’ODS : plonger dans la SF pour éclairer les perspectives de la conquête spatiale. Un travail vient d’être confié à nos amis suisses concernant des pistes de recherches pour l’exploration de la planète Mars.
Midi, la pluie redouble et aucun restaurant n’est réservé. Pat nous donne rendez vous au Cheval Blanc à Echillens. Une auberge qui par miracle nous trouve une table pour dix personnes. La spécialité locale est la viande de cheval. Nous préférons taster une valeur sûre, la fondue au fromage……. L’attente est interminable et Charles commence à se fâcher, craignant de rater son train qui doit le ramener en Avignon……. Nous demandons l’addition alors que la fondue arrive. Nous avalons quelques bouchées avant de sauter dans la voiture, destination Cornavin.

Quelle aventure ! ! ! Mais pour rassurer Marc un peu inquiet des ratés de l’organisation, je n’ai pas peur d’affirmer haut et fort : NOUS REVIENDRONS………. D’autant que Claire va se charger de missions d’inspection rapprochées, afin de prendre sérieusement en mains l’antenne helvète en Odésie….

C'est moi Mulder et toi Scully...