1er juin 2002 : C'est au tour de notre ami Yves-Fred de venir participer aux causeries du Centre de Recherches Odésiennes. Avec un sujet qu'il maîtrise parfaitement, celui de Saint-Yves d'Alveydre et de l'Archéomètre. Autour de la table de la Grande Loge 36.42, Tchalaï, Didier l'Erudit, Joseph von Altaïrac, le Cardinal Rive, Sylvain l'ex-sataniste, Marc-Louis Questin le Druide,et Jean_Luc Rocambo. Plutôt que de résumer, je vous passe le dossier que j'avais réalisé sur le sujet pour Murmures 7.




Le hasard n'existe pas, c'est bien connu, et ce qu'il devait arriver arriva.

 

Je connais la revue l'Initiation depuis bien longtemps. Revue confidentielle comme beaucoup dans les sphères ésotériques, mais revue prestigieuse s'il en est puisqu'elle fut fondée par Papus [1], grand occultiste français de la fin du 19 ème siècle. Elle perpétue encore de nos jours la Tradition mise en lumière de façon abordable à tous[2] par ce grand Maître français, grâce au dévouement de son fils, Philippe d'Encausse, puis au décès de ce dernier par Yves-Fred Boisset. L'Initiation est sur ma liste d'échanges de presse avec Murmures et, récemment, Yves-Fred me contacte pour me signaler la sortie de deux livres qu'il vient de commettre sur Saint-Yves d'Alveydre, et que si Murmures pouvait en parler.....[3]. Rendez-vous fut pris fin août dans un petit restaurant du quartier de l'Opéra a Paris, et la magie habituelle se mit à fonctionner. Discussions passionnantes sur Papus, le Martinisme, les Rose-Croix, et bien sûr sur Saint Yves. Yves-Fred Boisset est ce que l'on peu appeler un retraité dynamique, consacrant avec fougue toute son énergie disponible à l'ésotérisme et à la poésie, une autre de ses passions[4]. Animateur de plusieurs publications, il est également un conférencier infatigable, actuellement fort occupé à faire connaître au public les premiers manifestes Rose-Croix ! ! !

l'assistance est captivée

Mais revenons à ses derniers ouvrages. Saint-Yves d'Alveydre est un ésotériste de la fin du 19 ème, contemporain de Papus qui le considérait comme son maître à penser intellectuel[5]. Au décès de Saint-Yves, Papus créa du reste l'Association des Amis de Saint-Yves d'Alveydre afin de promouvoir son œuvre. Une œuvre aujourd'hui tombée dans l'oubli, peut être par son abord difficile et par son parfum ambigu, conduisant plus d'un lecteur à la classer rapidement. Et c'est certainement là le principal mérite des travaux de Yves-Fred, à savoir de rendre accessible une contribution importante à l'ésotérisme contemporain, de la déshabiller des préjugés qui la poursuivent souvent à tort et de donner au lecteur l'envie d'aller plus loin.

L'univers intellectuel du marquis d'Alveydre repose sur deux édifices, la Synarchie et l'Archéomètrie (titres des deux tomes de Yves-Fred, publiés par SEPP). Que dit de ces disciplines l'un de mes livres de chevet, LES MAITRES DE L'OCCULTISME d'André Nataf chez Bordas :
-Synarchie : ..... mythe susceptible de mobiliser les obscurités anti-démocatiques....
Archéomètre : ....des cercles de carton couverts des signes du zodiaque et qui répondent aux questions qu'on leur pose.[6]
Avouons que nous partons avec un sérieux handicap de base ! Mais si l'on se donne la peine de creuser un peu, nous irons de surprises en surprises, pour ne pas parler de révélations. La Synarchie a certes donné lieu à de sombres créations politiques (cf le pacte Synarchique d'Empire), mais ces dérives doivent-elles pour autant jeter le discrédit sur une intuition politique fort pertinente ? A savoir que la démocratie est régulièrement confisquée par ses institutions qui éjectent facilement le peuple souverain. D'où l'idée de créer à côté de ce pouvoir institutionnel un contre-pouvoir populaire (l'Autorité), en charge de l'Enseignement et de la Culture, de la Justice et de l'Economie. Dans ses Missions, Saint-Yves reprend toute l'histoire humaine et montre que celle-ci n'a jamais été qu'une longue et vaine tentative de l'homme pour mettre en place ces contre-pouvoirs susceptibles de lui rendre son véritable rôle dans la cité. Echecs ? Si l'œuvre synarchique était à réécrire aujourd'hui, le marquis ferait certainement allusion à la tentative du Général de Gaulle de 1968, visant à supprimer le Sénat (démocratie institutionnelle) et de le remplacer par une Chambre Economique et Sociale reposant sur les forces vives de la nation (autorité légitime). On se souvient de l'échec du référendum et de ses conséquences.
L'Archéomètrie est l'aboutissement de la démarche ésotérique de Saint-Yves. Si Papus peut être considéré comme celui qui a tenté de réaliser une synthèse exhaustive de l'occultisme contemporain, le marquis d'Alveydre est sans conteste celui qui a cherché à percer le mystère ultime, en élaborant une méthode rationnelle pour exploiter les arcanes. Saint-Yves s'était voué depuis bientôt vingt ans à la création de ce qu'il a nommé l'Archéomètre, c'est-à-dire l'instrument de mesure des principes[7]. L'analyse de ce système par Yves-Fred Boisset est limpide, étourdissante parfois et étonnamment modeste. Non, je ne prétends pas avoir découvert le message secret de l'Archéomètre, tel que l'a peut-être voilé Saint-Yves d'Alveydre en ce fascinant outil. Non, je n'affirme pas avoir percé le mystère de l'Archéomètrie tel que l'a peut-être perçu cet auteur si méconnu du siècle dernier. Non, je ne revendique aucun mérite à avoir décrit aussi fidèlement qu'il est possible de le faire les divers éléments du planisphère archéomètrique.
Je ne résumerai pas le système, ce serait plagier le livre. Je le résumerai d'autant moins que c'est un système qui ne se résume pas, mais s'arpente, crayon à la main, pour déambuler de correspondances en symboles, d'intuitions en découvertes. Un exercice assurément passionnant, une promenade sur des sentiers qui débouchent sur quelque chose qui fleure bon l'Infini.

Interview

 Yves-Fred

INTERVIEW d'Yves-Fred BOISSET,

par Philippe MARLIN.

Q : Merci d'avoir bien voulu répondre à nos questions. Et, pour commencer, comme à chaque fois que nous recevons quelqu'un dans notre cabinet de psychanalyse, qui êtes-vous dans le civil?

R : Un bonhomme (. Presque un invisible. Couleur de vie ordinaire. Marié depuis trente-quatre ans (avec la même femme) et père d'une fille mariée qui exerce la profession de bibliothécaire. Je suis retraité depuis la fin 1996 après une quarantaine d'années de vie professionnelle riche en expériences diverses? D'ailleurs, je n'aurais pas supporté de passer toute mon existence dans le même métier. Aussi, après avoir volé de branches en branches d'activités, j'ai vécu les vingt dernières années dans la blouse blanche d'un auxiliaire médical spécialisé dans la radiologie traumatologique d'urgence. Dans un hôpital public, je précise. Par choix délibéré, j'ai occupé durant ces deux décennies un poste de garde de nuits et de dimanches et j'aurais bien continué encore un peu si de stupides et aveugles statuts ne m'en avaient empêché.

Q : Je sais que la question est difficile, mais d'où vous vient cette passion de l'ésotérisme? Comment cela a commencé?

R : Dans ma famille, on est catholique par routine sans être bigot. On m'a laissé toute liberté à propos de mes choix religieux et j'ai été affranchi de toute influence. Bien que je ne sentisse point dans mon enfance et mon adolescence le besoin de pratiquer, la religion m'a toujours intrigué et, très vite, j'ai été curieux de savoir ce qui pouvait se dissimuler derrière les doctrines simplificatrices enseignées par l'Église. Il me semblait que ces enseignements comme les manifestations cultuelles destinés au grand public cachaient, volontairement ou non, une philosophie de nature mystique et spiritualiste. Cette recherche m'a très vite passionné et je me suis plongé dans cette étude avec le désir d'aborder aux grands mystères de la vie spirituelle.

Q : Quel a été votre parcours?

R : Sinueux dans ses débuts. Lecture et réflexion se sont partagé le temps de plus en plus grand que je consacrais à cette passion. J'ai eu la chance de découvrir de bons auteurs sans bien savoir qui tenait ma main quand elle happait tel ou tel ouvrage dans les rayons d'une bibliothèque ou d'une librairie. C'est ainsi que j'ai rencontré Papus, et, par son truchement, Louis-Claude de Saint-Martin, Martinez de Pasqually, Jacob Boehme et bien d'autres de la même veine. Puis, comme beaucoup de cherchants, j'ai fait un détour par l'Ordre rosicrucien de l'Amorc. Détour intéressant, au demeurant. On y traite de moultes sujets en relation avec la tradition ésotérique ; en vérité on y parle de tout sauf... du rosicrucianisme. Puis, ces méthodes publicitaires étasuniennes ne me paraissaient pas tout à fait à leur place dans une démarche à caractère mystique. Je suis donc allé voir ailleurs et, comme si cela avait été prévu par je ne sais quel effet de la providence, j'ai alors rencontré des personnes qui connaissaient Philippe Encausse. J'ai donc fait, en 1959, la connaissance de celui-ci qui avait, six ans auparavant, réveillé à la fois l'Ordre Martiniste fondé par son père Papus en 1891 et la revue "l'Initiation" créée par le même Papus trois ans plus tôt. Dans la foulée, Philippe avait ouvert à la Grande Loge de France une loge maçonnique sous le nom de Papus. Philippe Encausse me prit en amitié et moins d'un an après cette rencontre, j'étais initié presque simultanément dans l'Ordre Martiniste et dans la franc-maçonnerie traditionnelle. J'avais alors vingt-cinq ans et un appétit hors du commun pour tout ce qui était en relation proche ou même lointaine avec l'ésotérisme. J'ajoute pour conclure sur cette question que j'ai toujours géré de manière équilibrée cette passion avec ma vie familiale et ma vie professionnelle sans que, je crois, aucune des trois n'en pâtît notablement.

Q : Vous parlez avec beaucoup de chaleur dans votre ouvrage de Philippe Encausse. Qu'est-ce qui vous a amené à chercher à le rencontrer? Le fait qu'il soit le fils de Papus?

R : Jusqu'à ma rencontre avec les personnes que j'ai évoquées plus haut, j'ignorais que Papus eut un fils et que ce fils avait ranimé en 1953 la flamme mise en veilleuse à sa disparition en 1916. (Rappelons qu'en 1916, Philippe n'avait que dix ans.) Je n'ai donc pas vraiment cherché à le rencontrer spontanément puisque je ne connaissais pas son existence. Mais cette rencontre a marqué pour moi un tournant ouvert sur d'immenses horizons spirituels ; c'est grâce à lui que j'ai pu rencontrer des gens aussi extraordinaires que Robert Amadou, Robert Ambelain, Pierre Mariel, Robert Deparis, et tant d'autres... Philippe était en quelque sorte la clé qui ouvrait toutes les portes et son amitié fraternelle à l'égard de tous ne s'est jamais démentie. Nous savions tous que nous pouvions compter sur lui à tout moment de même qu'aucun d'entre nous n'aurait su lui refuser un article pour sa revue, une conférence pour les associations qu'il animait et quelques heures de notre temps pour l'aider dans telle ou telle tâche.

Q : "l'Initiation" est très proche du martinisme? Est-ce à dire que c'est votre voie personnelle?

R : "L'Initiation" est l'organe officiel de l'Ordre Martiniste fondé en 1888 par Papus et réveillé en 1953 par Philippe Encausse, comme je l'ai précisé plus haut. À la disparition de ce dernier, le 22 juillet 1984, j'ai repris la responsabilité rédactionnelle de cette revue comme Philippe en avait préalablement émis le vœu. Il va de soi que cette revue est très proche de l'Ordre Martiniste de Philippe en particulier et du martinisme en général, car il existe plusieurs branches du martinisme toutes issues du tronc papusien. Et "l'Initiation", selon la volonté de Philippe Encausse et la mienne, a toujours eu pour principe fondamental de ne jeter nul anathème sur les divergences philosophiques qui ont pu naître au cours des temps entre les membres de l'Ordre. Le martinisme (comme les ordres martinistes dans leur ensemble) n'étant ni une secte, ni une société secrète, mais seulement une société initiatique traditionnelle, je n'ai nulle raison d'en cacher mon appartenance ; j'ajouterai même que je suis fier d'être martiniste et que je brandis bien haut mon drapeau. De toute manière, je ne suis pas un maniaque du secret. Cela étant dit, je veux également préciser que la qualité de martiniste n'est exigée ni des collaborateurs ni des abonnés de la revue.

Q : Qu'est-ce qui vous a donné envie d'écrire sur Saint-Yves d'Alveydre?

R : Je venais à peine d'entrer dans le cercle de ses amis que Philippe Encausse, toujours lui, m'a demandé de préparer une conférence sur Saint-Yves d'Alveydre. Je ne connaissais ce curieux personnage qu'à travers quelques écrits de Papus qui semblait le tenir en haute estime. Je parvenais non sans mal à rassembler une documentation sur Saint-Yves et son œuvre ; les livres étaient, pour la plupart, introuvables et quand on en dénichait un, il fallait une certaine dose d'inconscience pour s'y plonger dedans corps et âme car, en dépit de la qualité irréfutable de la plume de cet écrivain, le fond en est souvent sinueux, voire rébarbatif, ce qui explique peut-être le manque remarquable de candidats à cette étude. Cependant, je me suis pris au jeu et j'ai relevé le défi : quelques mois plus tard, j'étais en mesure de présenter une conférence qui, malgré ses inévitables imperfections, se transforma rapidement en article pour "l'Initiation". Dès lors, on m'accola l'étiquette d'alveydrien et je dus poursuivre dans cette voie, ce qui ne me déplut pas. Quand, en 1977, Gutenberg Reprints réédita " l'Archéomètre " (publié initialement en 1912), Philippe me demanda de mettre en un livre le résultat de mes recherches personnelles. Ce livre fut édité fin 1977 et me valut louanges et critiques à peu près équitablement réparties. Il se vendit bien et les deux éditions successives furent rapidement épuisées. Je continuais à rédiger des articles et à présenter des conférences sur ces thèmes. Début 1996, un éditeur me proposa de rééditer l'ouvrage de 1977 ; j'acceptais cette proposition sous condition de pouvoir en remanier le fond, d'ajouter un certain nombre de documents et commentaires que j'avais glanés durant les dix-huit années qui s'étaient écoulées depuis. Cette réédition est donc parue en deux tomes, le premier étant consacré à la synarchie, le second, à l'archéométrie, étant bien établi que ces deux sujets constituent les deux piliers de l'œuvre fondamentale de Saint-Yves d'Alveydre. Hélas, cet éditeur est quelque peu faiblard en ce qui concerne la diffusion et c'est moi qui l'assure pour la plus grande partie.

Q : Peut-on dire que le fait de tenter de percer les arcanes de l'archéométrie vous a apporté quelque chose de personnel?

R : Certainement. Et même un ensemble de choses. D'abord de grandes joies comme en procurent toutes études qui réclament patience et persévérance. Ensuite, le bonheur de faire partager par des lecteurs ou des auditeurs ces joies et de me rendre utile en faisant connaître une œuvre méconnue, d'approche difficile eu égard à la rareté des ouvrages originaux de l'auteur et au prix élevé qu'en demandent les libraires quand ils en détiennent un exemplaire. Enfin, la satisfaction d'avoir pu déceler dans les multiples compositions du planisphère archéomérique le message initiatique qu'il renferme sous la forme d'une synthèse des enseignements gnostiques, cabalistiques, rosicruciens et martinéziens.

Q : Que pensez-vous de l'ésotérisme en France aujourd'hui? Fidélité à une tradition éprouvée ou dispersions dangereuses?

R : Les Français se prétendent volontiers cartésiens, scientifistes et rationalistes. Aussi, l'ésotérisme n'est pas perçu en France comme il l'est dans des pays moins laïcisés, tels ceux de l'Europe du nord et de leurs prolongements nord-américains, ou plus vaticanisés, tels ceux de l'Europe du sud ou de leurs prolongements latino-américains. En Europe du nord, il est perçu comme un complément aux religions, une forme d'études religieuses supérieures et il est étudié avec le sérieux qui sied à une discipline tout à fait reconnue. En Europe du sud, l'ésotérisme est assimilé au satanisme et sa pratique est fort mal vue de même que ses pratiquants doivent soigneusement se cacher sous peine d'avoir de très gros ennuis étant donnée l'influence incontournable des structures cléricales. La France n'est curieusement ni du nord ni du sud et je suis prêt à justifier cette affirmation à tout moment. À partir du XVIIIe siècle et sous l'influence des philosophes et des encyclopédistes la France a commencé à mettre en doute les dogmes enseignés par l'Église puis, mutatis mutandis et après maintes péripéties concordataires, à rompre avec les religions en proclamant à l'aurore du présent siècle la séparation de l'Église et de l'État. Mais on a jeté l'eau du bain avec le bébé, pour user d'une image bien connue. En effet, sous prétexte d'écarter les autorités ecclésiastiques des affaires de la cité, on a mis à l'index tout ce qui a rapport à la philosophie religieuse, ce qui a conduit à tourner en dérision ou à condamner tous ceux qui, à un titre ou à un autre, s'intéressent à ces connaissances que l'on appelle avec mépris occultes. Pour le Français moyen, bien imbibé d'esprit rationaliste, il n'est pas de distinction à faire entre les charlatans qui vivent de la naïveté de leurs contemporains et les cherchants qui entretiennent une vision spiritualiste du monde, de son histoire et de son avenir. Peut-on en France se piquer d'ésotérisme sans passer pour un faible d'esprit ou pour un individu malhonnête? Difficilement, car, dans leur écrasante majorité, les Français ne veulent pas savoir qu'il existe un ésotérisme sérieux dissimulé derrière le paravent des arnaqueurs. C'est aussi pour cette raison que nos concitoyens, médias en tête, mettent allègrement dans un même sac sectes et sociétés initiatiques, ce qui fait bien l'affaire des premières pour ce qui concerne leur recrutement et dévalorise les secondes. Les revues ésotériques sérieuses sont peu nombreuses et, comme vous le soulignez par ailleurs, elle demeurent désespérément confidentielles ; pendant ce temps, éclosent et fructifient les revues attrape-nigauds qui donnent de l'ésotérisme une image déformée et dégradante. Les véritables ésotéristes, chercheurs libres et consciencieux, tentent de demeurer fidèles à une tradition qui, au cours des âges, a fait la preuve de sa fidélité à des idéaux spirituels et de son attachement à une déontologie sociale que ni la religion ni la politique n'ont été capables de respecter comme le montrent chacune des pages de l'Histoire. Je ne pense pas que l'on puisse évoquer un phénomène de dispersion à propos de l'ésotérisme. La vérité est qu'il existe plusieurs écoles, plusieurs voies, plusieurs modes de travail.

Q : L'ésotérisme et la politique forment un ménage ambigu, et le flirt avec l'extrême-droite est souvent mis en exergue. Comment expliquez-vous ce phénomène?

R : Voilà, cher monsieur Marlin, que vous m'incitez à enfourcher une de mes montures favorites. Il est de fait que de trop nombreux ésotériciens ont une fâcheuse tendance à faire l'amalgame entre la tradition, le passéisme et le conservatisme, tombant ainsi dans le piège d'une confusion hâtive et gênante. Être traditionaliste, c'est-à-dire s'inscrire dans un courant de pensée spirituelle et respecter certains enseignements transmis par l'initiation, ne manifeste pas, à mes yeux, la moindre incompatibilité avec l'intérêt que l'on peut porter au progrès tant scientifique que social et avec un engagement formel dans cette voie. Je sais que, de ce point de vue là, je suis atypique et me place en marge de la majorité des ésotériciens. Et je sais aussi que mes prises de position dans la vie de la cité m'ont valu de leur part quelques coups de bâton. Or, mes écrits le montrent abondamment, je ne suis politiquement pas un conservateur dans la mesure où je pense, au-delà des clivages partisans, que la véritable spiritualité ne peut s'épanouir que dans un contexte de progrès social, c'est-à-dire de liberté, de justice et de partage équitable des biens de la terre. S'il est vrai que depuis environ deux siècles les mouvements réactionnaires ont tenté, souvent avec succès, de confisquer l'esprit religieux et, plus particulièrement, le christianisme (pour ce qui concerne l'Occident, y compris la plupart des nations du continent américain), il n'en demeure pas moins que l'esprit initial et traditionnel dudit christianisme me paraît tout à fait apte à conforter les idéaux de liberté, de justice et de partage qui planent par ci par là autour de notre société dominée par les dogmes religieux et politiques, les inégalités criantes et les égoïsmes triomphants. On sait aussi que les dirigeants romains de l'Église catholique ont, en plusieurs occasions, soutenu les systèmes réactionnaires et renié avec force les défenseurs du progrès social ; souvenons-nous du sort qui a été réservé à la théologie de la libération en Amérique latine. D'autres exemples pourraient être cités. On n'ignore pas davantage que les sectes (si souvent confondues avec les sociétés initiatiques, comme je l'ai déjà souligné) ont tendance à pencher vers le conservatisme et à soutenir plus ou moins ouvertement les partis qui se réclament de cette famille politique. Je ne cache pas non plus que, même dans les sociétés initiatiques, telle la franc-maçonnerie traditionnelle, certains font l'apologie des idées réactionnaires au nom de je ne sais quelle soi-disant déontologie morale et de je ne sais pas davantage quelle psychose ressentie à l'endroit des rouges. La franc-maçonnerie n'est ni de droite ni de gauche et je n'en veux pour preuve que le fait qu'elle a toujours été persécutée au moins moralement et parfois physiquement aussi bien par les régimes prétendus de gauche (le bolchevisme d'antan) que par les régimes de droite et d'extrême-droite (le franquisme espagnol, le vichysme des années noires, entre autres). Il est à craindre que si un jour, par un effet électoral encore assez improbable, le Front National accédait au pouvoir dans notre pays, les loges maçonniques et leurs membres auraient à en souffrir, même si quelques unes des personnalités influentes de ce parti ont épisodiquement flirté avec l'Ordre. La franc-maçonnerie comme le martinisme laissent toute liberté à leurs membres en matière de pensée politique, sujet que l'on n'évite soigneusement d'aborder au cours des réunions. À ma connaissance, ni Papus, ni Philippe Encausse n'ont professé d'idées réactionnaires tant dans leur œuvre que dans leur vie. Quant à Saint-Yves d'Alveydre, dont l'idée synarchique a donné lieu ultérieurement à des récupérations abusives (synarchie d'Empire entre les mains des technocrates et des cagoulards de l'entre-deux-guerres), j'ai démontré dans l'un de mes ouvrages que, dans la dernière tranche du siècle dernier, il voyait, dans le progrès social et l'émancipation des travailleurs (voir, entre autres, la " Mission des Ouvriers ") l'avenir de notre société et, par la même occasion, j'ai démoli les élucubrations d'un incertain Henri Coston qui voyait en Saint-Yves le chantre de la réaction passéiste et conservatrice et faisait du martinisme le berceau de l'extrême-droite.

Q : Que représente la poésie pour vous? Un moyen de s'évader et de rêver? Un support supplémentaire pour pénétrer les arcanes?

R : M'évader, de quoi? Puisque je suis parfaitement libre et très jaloux de ma liberté de penser et d'agir. Rêver, de quoi? La vie n'est jamais qu'un rêve tout éveillé dans le long sommeil de l'éternité. Non, le poète, je crois, doit être avant tout un témoin, un témoin de son temps et ce sont ces poètes-témoins qui ont traversé les âges et ont pris place dans les mémoires anthologiques. Pour ce qui me concerne, il y a bien longtemps que j'ai décidé de laisser en paix les petits oiseaux et les jolies fleurs, fussent-elles bleues. Aussi, dans mes poèmes, j'essaie à mon tour et sans aucune prétention actuelle ou posthume de témoigner des aléas et des aventures de notre époque. Si j'ai choisi ce mode d'expression, c'est sans doute en vertu des possibilités qu'il offre de pouvoir condenser une idée ou une histoire en quelques vers, exercice hautement profitable à un bavard de mon genre. Un poème est une espèce de flash, un instantané, un arrêt sur image qui doit être primitivement agressif avant de donner lieu à une réflexion. Mais il m'arrive aussi de parler d'amour et de glorifier la femme en ce qu'elle a d'éternel quand l'homme n'est qu'un passant de l'univers. Permettez-moi de conclure sur ce sujet en citant le frontispice d'un recueil de poésie que j'avais publié il y a quelques années : " L'humour et la poésie furent les deux grandes victimes de la Tour de Babel car ils ne franchissent que difficilement les barrières culturelles et linguistiques. Et pourtant, ce sont eux et eux seuls qui, par la conjugaison de leurs efforts persévérants quoique désespérés, sauveront le monde s'il mérite de l'être ".

Q : Quels sont vos projets en cours?

R : Pour l'heure, j'ai sur mon agenda plusieurs conférences programmées tant sur Saint-Yves d'Alveydre et l'Archéomètre que sur le rosicrucianisme dans ses perspectives historiques et traditionnelles au XVIIème siècle. Je continue également, avec l'aide de mon épouse et de quelques amis, à gérer la revue trimestrielle "l'Initiation" et le journal bimestriel "La Braise et l'Étincelle". Ce qui nous prend pas mal de temps. Bien entendu, je n'abandonne pas mes recherches sur l'ésotérisme en général et ma participation à des rencontres poétiques et littéraires. J'ai dans mes cartons plusieurs ébauches de manuscrits sur différents sujets mais l'édition traverse des moments difficiles et il est peu de débouchés pour les auteurs non médiatisés tel que moi. Alors... attendons.

Merci, Yves-Fred, et à très bientôt pour de nouvelles aventures dans nos colonnes.

C'est moi qui vous remercie, cher Philippe Marlin, de votre accueil si amical et de l'intérêt que vous portez à mes modestes travaux. Je souhaite que notre rencontre soit suivie de lendemains créatifs au service des cherchants sincères. À bientôt.


À propos de la France


Trois autres faits ont attiré mon attention à propos de l'originalité de notre pays.
Noël, en premier lieu.
Avez-vous remarqué que la langue française est la seule à employer ce mot pour désigner le jour de la naissance présumée de Jésus-Christ? Dans les langues latines et exceptée la nôtre, on parle de Nativita, de Natividad, ou encore de Natal, autrement dit tout bonnement de Naissance. Dans les mouvances linguistiques germaniques et anglo-saxonnes, on célèbre Christmas, c'est-à-dire la fête du Christ. Voilà qui est relativement banal !
Or, le mot de Noël dont nous avons l'exclusivité a une toute autre résonance. En effet, ce mot vient du celtique et signifie Nouveau Salut que l'on retrouve dans l'allemand actuel : Neue Heil. Et il est bien clair que ce jour qui coïncide avec le solstice d'hiver se place au début d'une renaissance de la nature, quand le soleil entre dans le signe du capricorne, premier signe de Terre.[8]Je crois que cette particularité mérite quelque méditation ; en tout cas, elle n'avait pas échappé à Saint-Yves d'Alveydre qui avait acquis une connaissance approfondie du celtisme comme en témoignent de nombreux passages de son œuvre.

En second lieu, j'aimerais convier mes lecteurs à une réflexion sur la place et la forme géographiques de la France. On se dispute depuis longtemps pour savoir si les origines de notre pays sont d'essence latine ou germaine. La Gaule fut longtemps une colonie romaine mais elle fut aussi le lieu de rencontre des invasions gothiques et franques et les Francs, on ne l'ignore pas, étaient des Germains. Puis, notre pays fut durant plusieurs siècles partagé horizontalement entre deux blocs culturels et linguistiques : le pays d'oc au sud et le pays d'oil au nord. C'est ce dernier qui, après maintes péripéties, s'imposa à tous et la langue du nord, l'oil, prévalut théoriquement sur celle du sud, l'oc mais c'est en réalité de l'influence réciproque de l'une sur l'autre que naquit la langue française. Ce qui en a fait une langue originale enrichie par la suite des nombreux brassages culturels résultant de la capacité historique d'accueil qui a toujours fait l'honneur de notre pays et qui s'inscrit aussi dans le cadre de sa Mission.
Depuis quelques décennies, on a pris la fâcheuse habitude de traiter la France d'hexagone, et je confesserais que rien ou presque rien ne m'indispose autant. D'abord, parce que le mot n'est pas beau, il sonne mal et on devrait le laisser aux spécialistes de la géométrie à qui il est bien plus utile. Ensuite, il faut tirer fortement sur les côtes et les frontières de la France pour y voir s'esquisser une forme hexagonale. Enfin, cette observation ne débouche sur aucune conclusion digne d'intérêt.
Pour ma part, géométrie pour géométrie, je préfère modeler la géographie de la France sur une étoile à cinq branches comme je m'en suis expliqué en un article publié dans l'Initiation en décembre 1993 sous le titre : " Géométrie française " et dont je reproduis ci-dessous les principaux passages.[9]
L'étoile à cinq branches est qualifiée de dynamique. De ce fait, elle est à la fois captatrice et émettrice. Elle capte les ondes cosmiques et, à son tour, irradie vers cinq directions : les quatre points cardinaux et le zénith. Elle est par conséquent un facteur d 'échanges perpétuels ce qui entre bien dans la vocation de la France.
Bien sûr, on m'objectera et non sans raisons que la cartographie française a bougé au fil des siècles, que la forme définitive que nous lui connaissons n'a pas une grande antiquité et que, de toutes façons, ce ne sont pas des initiés visibles ou invisibles qui l'ont dessinée. Les mariages royaux, les annexions, les tractations, les batailles et les traités ont abouti, en un millénaire, à donner à notre pays cette forme particulière dans laquelle je veux voir un pentagramme. Mais il n'empêche que cette configuration symbolique s'adapte curieusement au destin historique de la France et qu'elle est symbolique de sa véritable mission.
Chacune des cinq pointes de cette étoile à cinq branches est plantée dans l'une des cinq provinces périphériques qui, en fonction des péripéties de l'Histoire, ont été rattachées à notre pays comme pour en protéger le cœur, ce cœur qui justement, bat autour de la ville de Jacques Cœur, c'est-à-dire de la région de Bourges, centre géographique de la France.

Si nous partons de la pointe supérieure de l'étoile et si nous tournons dans le sens des aiguilles d'une montre ou, si l'on préfère, dans le sens de la marche du soleil, nous découvrons successivement : la Flandre, l'Alsace, la Provence, l'Aquitaine et la Bretagne situées aux cinq apex. Si nous prenons la chronologie de leur annexion au royaume de France, nous devons alors classer ces cinq provinces selon l'ordonnance suivante : l'Aquitaine, la Provence, la Bretagne, la Flandre et l'Alsace qui devinrent respectivement françaises, la première en 1137 par le mariage d'Aliénor d'Aquitaine avec le roi Louis VII dit le Jeune[10], la deuxième en 1481 par la cession des droits qu'un certain Charles III, héritier du roi de Naples et dernier comte de Provence, opéra en faveur de Louis XI, la troisième en 1532, quand le fils de François Ier et de Claude de France fit valoir ses droits successoraux, la quatrième en 1668, par le traité d'Aix-la-Chapelle confirmé dix ans plus tard par celui de Nimègue, la cinquième enfin en trois étapes : 1648, traité de Westphalie, 1678, traité de Nimègue, 1681, annexion définitive de Strasbourg et de Mulhouse qui, jusque là, manquaient à l'appel.
Chacune de ces provinces a apporté avec elle (dans sa corbeille de mariage) ses particularismes historiques et culturels faisant ainsi de notre pays une nation plurale, sachant que toute l'histoire des rapports de ces provinces avec la France initiale a été (et est encore d'une certaine manière) marquée par l'opposition de deux forces, l'une de nature centrifuge qui débouche sur un régionalisme heureusement plus folklorique que conflictuel, l'autre d'ordre centripète qui, depuis au moins deux siècles, œuvre à niveler par une éducation homogène et l'unicité linguistique les différences héritées des temps anciens.
Mais si le souci majeur des rois gestionnaires de la France sous l'Ancien Régime fut pour l'essentiel (et nous le comprenons fort bien) de repousser sans cesse les frontières de notre pays afin de le mieux défendre militairement, de lui donner une plus confortable assise diplomatique et de développer son économie et, partant, sa richesse, je préfère, parce que mes préoccupations sont d'une autre essence, mettre l'accent sur les apports traditionnels et initiatiques que ces cinq provinces ont drainés jusqu'à nous.
J'ai écrit plus haut que chacune des cinq branches de cette étoile était plantée dans l'une des cinq provinces périphériques de la France. Comme en raison de leur nature dynamique ces cinq branches irradient vers l'extérieur, je pourrais à présent pousser plus loin mon propos en écrivant que, grâce à elles (que ce soit voulu ou fortuit), notre pays se trouve à la croisée des cinq grandes civilisations occidentales qui ont dicté notre histoire européenne et forgé nos mémoires collectives.
En opposition diagonale[11]- selon une ligne imaginaire tracée du nord-ouest au sud-est - on découvre que la Bretagne, présence française du monde celto-gaélique et pseudopode continental des pays d'Écosse, d'Irlande et de Galles auxquels elle demeure liée par la langue, fait face à la Provence, témoin privilégié de la conquête romaine. Mais quand Rome était à l'apogée de sa puissance, le monde celte était déjà entré dans sa phase de repli. Aussi la première n'eut aucun mal à se servir de la Provence (sa province) comme tremplin pour conquérir la Gaule avant de traverser le Rhin, d'une part, et la Manche, d'autre part, tandis que le second, après avoir essaimé dans toute l'Europe, se voyait obligé de se retirer derrière les Highlands, ne laissant que des vestiges dont la Bretagne actuelle sait tirer un bon parti touristique.
Les Bretons de la péninsule armoricaine furent romanisés comme les Gallois, les Écossais et les Irlandais devaient plus tard être anglo-saxonnisés, perdant à peu près toute autonomie politique et même culturelle.
Si, poursuivant notre jeu, nous traçons une autre diagonale pour relier le nord-est et le sud-ouest de la France, nous découvrons deux autres provinces : l'Alsace, vitrine du monde germanique, et l'Aquitaine, antichambre du monde ibérique qui abrite une petite partie du turbulent pays basque, le gros morceau de cette énigmatique nation se trouvant de l'autre côté des Pyrénées.[12] Bien avant que Louis XIV ne décrétât " qu'il n'y avait plus de Pyrénées ", celles-ci avaient su se faire toutes petites devant les déferlements successifs des envahisseurs carthaginois, wisigoths, romains, puis, plus tard, devant ces fougueux cavaliers surgis des sables ardents d'un Orient mystérieux qui nous effrayait tant.
L'Aquitaine ne put échapper à l'influence de son grand voisin espagnol dont on sait qu'il possède la double citoyenneté culturelle chrétienne et islamique comme en témoignent ses richesses architecturales et ses folklores bigarrés. Et ce ne doit pas être l'effet du seul hasard si la tradition manichéenne d'origine iranienne a trouvé son écho occidental dans cette région, entre Toulouse et Albi, aux pieds des Pyrénées.
À l'autre extrémité de cette diagonale s'épanouit l'Alsace charmeuse. Tour à tour occupée par les divers envahisseurs qui, suivant le soleil, allaient inexorablement d'est en ouest, de l'Oural à l'Atlantique, elle n'eut guère de vie propre jusqu'au fameux traité de Verdun qui, en 843, entérina la partage de l'empire fondé par Charlemagne entre ses trois fils. Dès ce moment, l'Alsace lia son sort à celui de l'Allemagne, un Habsbourg en devint le landgrave et, pour le cas où l'on aurait pu avoir des doutes sur la germanisation de cette province rhénane, l'empereur Frédéric Barberousse installa sa résidence à Haguenau. Il faudra attendre le Grand Siècle pour que l'Alsace revienne au royaume de France sans que l'Allemagne ne cessât un seul jour de la revendiquer. Toujours tiraillée entre ces deux grandes puissances européennes, entre ces deux grands frères ennemis, l'Alsace est tout naturellement bilingue et biculturelle et ce n'est point lui faire offense que d'affirmer que, si son âme est tournée vers la France, son esprit est ancré dans le monde germain.
Et puis, il y a le Nord, le plat pays. La douce Flandre si injustement ignorée par les marchands de voyages, de soleil et d'exotisme déroule sa palette d'ocre et de vermillon d'Artois jusqu'en Belgique. Par elle, la France est reliée à ce monde trop souvent méconnu aux origines à la fois celtiques et germaniques (le tout assaisonné d'un grain d'hispanité), sans que ces civilisations y eussent laissé une empreinte indélébile et sans qu'elles y eussent empêché le développement d'une culture propre et originale.
C'est par cette région, par cette pointe supérieure de notre étoile à cinq branches, que les Francs saliens ont pénétré dans ce qui n'était encore qu'une colonie de la Rome finissante dont les multiples envahisseurs sapaient les fondations vermoulues. Nous savons le destin remarquable de ces Francs saliens qui finirent par mettre tout le monde d'accord et posèrent les premières pierres de notre pays auquel ils ont donné leur nom.

De se trouver ainsi au carrefour de cinq cultures a donné à notre pays ce visage peu commun que nous lui connaissons. Si l'Italie est foncièrement romaine et l'Allemagne non moins foncièrement germanique, la France n'est ni l'une ni l'autre. Les invasions des uns et des autres l'ont très souvent meurtrie mais ne l'ont pas violée. Elle a su se forger une personnalité propre n'empruntant à ses voisins que ce qui pouvait lui apporter un enrichissement intellectuel ou artistique. Et rien de plus.
Je ne crois pas qu'en cette fin de millénaire [13]la France doive se recroqueviller frileusement dans un étroit hexagone alors que sa mission, quoi qu'en pensent et qu'en disent les beaux esprits narquois, demeure plus que jamais d'irradier sa culture spirituelle vers cette Europe mercantile et vénale, comme l'indique sa forme pentagonale et comme elle sut le faire dans les siècles passés, au temps où Voltaire et Joseph de Maistre étaient reçus dans les cours européennes et quand Napoléon exportait dans toute l'Europe les idées philosophiques et révolutionnaires germées en France au XVIIIe siècle et que combattaient avec tant de fougue les dynasties coalisées du saint Empire romain germanique encore inféodées à l'Église de Rome.
N'en déplaise à Gérard de Nerval qui voyait dans l'Allemagne " l'épine dorsale de l'Europe ", j'affirme que c'est la France qui se situe, non au centre, mais au cœur de notre continent. C'est pourquoi elle ne doit pas se laisser fasciner par des modes venues d'ailleurs, plus précisément par celles qui cheminent dans le sens contraire à la marche du soleil. C'est pourquoi elle ne saurait pas davantage, au nom de je ne sais quels compromis commerciaux, renoncer à son génie propre.
En troisième lieu, la France se situe au point de rencontre de deux humanismes dont elle est la dépositaire privilégiée : l'humanisme judéo-chrétien et l'humanisme gréco-romain, et elle a en vertu de ce double dépôt le devoir, la Mission, de maintenir vivantes les valeurs héritées de ces deux grands courants qui irriguent notre civilisation. La Mission des Français, celle de La France Vraie, ne s'est pas arrêtée à Sedan mais elle doit se prolonger en accord avec la loi sociale trinitaire des Patriarches, de Jésus-Christ et des Templiers.

Saint-Yves d'Alveydre aimait la France parce qu'il connaissait son vrai visage et j'aime Saint-Yves d'Alveydre parce qu'il me l'a fait découvrir.


[1]Gérard d'Encausse, 1865-1916.
[2]Si je vous avoue que c'est par les ouvrages de Papus que j'ai découvert l'ésotérisme........
[3]Soyons honnêtes jusqu'au bout en signalant que Yves-Fred nous a acheté une page de publicité. Mais cet article n'est bien évidemment pas un publi-reportage ! ! ! !
[4]Voir par ailleurs son excellente étude sur Esotérisme et Poésie et lire son poézine La Braise et l'Etincelle (cf Fragments de M'Nar).
[5] Alors que Philippe de Lyon était son maître à penser spirituel.
[6] La citation est de V.E . Michelet.
[7]Citation de Papus.
[8] J'ai de fortes raisons de penser que l'année zodiacale devrait débuter, d'une part, par un signe de Terre, premier des quatre éléments et celui de la germination, et non de Feu qui en est le quatrième et celui de l'accomplissement, d'autre part, avec le solstice d'hiver, saison de la gestation naturelle quand la terre se replie sur elle-même pour se protéger du froid, et non avec l'équinoxe de printemps qui voit seulement éclore les promesses de l'hiver. Toutes les initiations traditionnelles débutent par l'épreuve de la terre où germe la " graine spirituelle " et s'achèvent par celle du feu dont les flammes scintillent pour toute éternité. Jésus-Christ a semé dans la terre froide de l'hiver de l'humanité la graine de l'Amour et, de ce fait, il a apporté aux hommes un message (Messie) de salut (nouveau salut), c'est-à-dire de paix (nouvelle alliance). Il est vrai que l'on a aussi perdu le sens profond et religieux du mot : salut.
[9] In L'Initiation, n° 4 de 1993, pages 176 et ss. Cette revue trimestrielle vendue par abonnements est domiciliée 6, rue Jean Bouveri, 92100 Boulogne-Billancourt. Fondée par Papus, en 1888 et réveillée par son fils, le docteur Philippe Encausse en 1953, elle se présente sous la forme de " cahiers de documentation ésotérique traditionnelle ".
[10]Quinze ans plus tard, Aliénor, répudiée par son royal époux, épousera Henri II Plantagenêt, ce qui aura pour effet de donner provisoirement l'Aquitaine à la couronne anglaise qui la conservera jusqu'à la fin du XVe siècle.
[11] Il n'est nullement besoin d'être fou pour tracer une diagonale...
[12] J'entends par Aquitaine la stricte région qui s'étend en gros du Bordelais et de la Gascogne jusqu'aux Pyrénées.
[13] Qu'on m'accorde la grâce de ne point voir ici quelque millénarisme primaire.