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Les
Révélations de Glaaki....
Bienvenue dans cette nouvelle
livraison des révélations. Avec pour débuter une étude de Jacky Ferjault
sur un sujet qu'il connaît manifestement bien ...
La Magie en Afrique Noire :
Le
Vaudou
(Les chiffres entre parenthèses renvoient aux notes en
fin d'article)
"Il est communément admis que le Vaudou est originaire du Bénin, bien
que l'on en connaisse davantage les manifestations brésiliennes ou haitiennes.
Mais ces dernières sont le produit de la diaspora béninoise de la période
esclavagiste. Au Bénin, près de 80 % de la population est adepte du
Vaudou. Les pratiques varient sensiblement selon les régions ou les
ethnies. Ce culte reconnait l'existence d'un être supême, "Maou" entouré
de centaines de "ministres", les " grands Vodun". Ces derniers sont
en charge des différents aspects de la vie courante : santé, famille,
travail, voyage et commerce... C'est à eux que les Béninois adressent
leurs prières, prosternés, quand un problème se présente. Les prières
peuvent s'accompagner de sacrifices, de volailles, par exemple, destinés
à se concilier les bonnes grâces du Vodun. Chaque famille compte également
de nombreux esprits : le "Legba", messager entre les Vodun et le Maou,
les devins appelés Bokonons, chargés de faire connaître la volonté des
dieux. Enfin, chaque village a son totem, serpent, panthère... A noter
: chaque ouverture de chantier Aide & Action donne lieu à une petite
cérémonie destinée à attirer la faveur des dieux." (Bulletin d'Aide
& Action, nø 52 de septembre 1994) (1). Ce court texte de vulgarisation
destiné aux occidentaux, a le mérite de faire en peu de lignes le tour
de la question. Il nous faut donc bien cerner notre sujet avant d'entrer
plus avant dans les détails.
LES CONTEXTES
La traite négrière en direction de l'Amérique fut officiellement autorisée
le 12 janvier 1510 et dans le courant de la même année, les premiers
contingents d'esclaves noirs arrivaient à Hispanolia, joli nom que portait
Haïti. En 1510, Ouidah, ville béninoise, reflétait l'image des temps
anciens. Presque tous les quartiers étaient couverts d'arbres géants
feuillus au dôme vert. Partout, on parcourait à travers les quartiers
des ruelles étroites. Certaines existent encore de nos jours, emblèmatiques
ou historiques. Les habitants possédaient trois divinités importantes
: les arbres géants, la mer et le firmament. Nous autres occidentaux
ne connaissons guère la vertu spéciale attribuée à une essence toponymique
qu'est le outin. Partout, ces arbres géants indiquaient les places conventuelles
devant les temples. On en voyait autour des palais royaux à Abomey,
Allada, Savi, Porto-Novo. Etant donné que, dans ces quatre capitales,
cet arbre marquait les places, les lieux historiques, entourait les
couvents religieux, on peut deviner son importance hiérarchique. De
nos jours, cette essence végétale existe encore et l'on en voit, ça
et là, verdoyant sur certaines places conventuelles.
Le Brésil, Cuba, les Antilles furent les grands marchés de l'aberrant
commerce des esclaves ; les malheureux voyageurs de cette route véhiculèrent
avec leurs souffrances le plus précieux des trésors africains : la tradition
africaine et le mythe de l'animisme (en gros, l'animisme reconnaît l'existence
d'une force vitale présente dans tous les hommes. Il puise moins ses
rites dans la recherche spirituelle que dans la saisie des forces vitales
qui se promènent dans l'univers et qui peuvent assurer la sécurité et
l'amélioration de vie des individus ou du groupe. Ainsi, la maladie,
la sécheresse, la faim sont toujours ressenties dans l'esprit des animistes
comme les conséquences d'une faute grave). Longtemps, au fil des siècles,
la civilisation purement africaine a franchi les mers et les océans.
"Cette situation suscita chez les esclaves une prise de conscience irréductible
dominée par leur farouche détermination de conserver pieusement les
religions ancestrales qui leur prodiguaient l'espoir et le réconfort
moral" (2). Plusieurs sectes se répandirent, au Brésil par exemple,
du nord au sud, consolidant les liens de sang qui unissaient les infortunés.
Mais cette inclination religieuse ne jouit pas d'une garantie durable,
car les négriers et les grands propriétaires terriens, appuyés par les
gouvernements, créèrent au sein des communautés africaines en exil,
des mesures exploitables. La classe dirigeante prit une décision officielle
qui brassait toutes les ethnies, flétrissant ainsi la hiérarchie des
entités religieuses et l'esprit de clan qui identifiait les couches
sociales africaines. Toujours au Brésil - mais il en fut de même ailleurs
- d'autres influences occidentales tentèrent de changer le cours des
organisations religieuses et culturelles mises en place par les exilés.
Les opulents terriens, d'essence catholique, imposèrent aux esclaves
leur religion importée. Il y eut bien des oppositions. Mais pour éviter
des répressions, les chefs religieux décidèrent de fondre les deux religions
- catholique et traditionnelle - pour former une union qui réponde à
leur partage. Cette symbiose dissimulait le dédain des Noirs fanatiques
et trompait l'espoir des maîtres catholiques. En effet, cette interaction
ne modifia en rien le mythe que les fidèles exilés conféraient aux religions
africaines axées sur un polythéisme captivant. Les bases d'une société
nouvelle, imbues d'un regain de foi et de mythisme vivaces, furent ainsi
jetées.
Ainsi le Vaudou se définit-il comme " un mélange de pratiques magiques,
de sorcellerie et d'éléments chrétiens" (Le Robert). Encore convient-il
d'expliciter les termes magie et sorcellerie. Définition de la magie
: Art d'obtenir des résultats contraires aux mécanismes normaux qui
sont habituellement nécessaires pour les voir se produire (3) . Définition
de l'envoûtement : Art de forcer un sujet récalcitrant à subir passivement
la volonté de l'opérateur ou, en d'autres termes, et sur un plan différent,
emprise (individuelle ou collective) d'un psychisme sur un autre.(3).
Quant au rite magique, "il est l'expression d'une volonté forte, affirmée
dans chaque détail du rituel, tendant à la subjugation d'êtres surnaturels
ou la domination des forces naturelles, ordinairement soustraites à
l'empire de l'homme? (9).Qu'est-ce que la sorcellerie comme système
? " Non pas une théorie, mais un ensemble logique de comportements et
de pratiques permettant à une société donnée de gérer les tensions provoquées
en son sein par des agresseurs".(4).
Ce n'est qu'en 1888 que la traite des Noirs fut abolie. Durant près
de 400 ans, l'Afrique a donc exporté, avec son martyre, ses us et coutumes.
Le brassage qui s'est opéré durant ces quatre siècles a transformé la
tradition originelle pour donner au fil du temps, le Vaudou que le Bénin
pratique aujourd'hui. Durant des siècles, la culture africaine se perpétua
oralement de génération en génération. Or, cette culture s'est trouvée
confrontée à une culture étrangère et inassimilable. Elle en fut évidemment
perturbée. Aujourd'hui, la cravate et la montre, signes extérieurs de
richesses, sont arborées dans ce continent où l'on vit au rythme du
soleil. Les missionnaires en ont toute la responsabilité .Exception
faite des indéniables progrès en matière d'hygiène, ils ont détruit
rites et religions pour LA religion, tout à fait inadaptée à la vie
africaine. Les faits sont là. Les chefs et le sorcier ont perdu beaucoup
de ce pouvoir qui soudait la tribu, face aux calamités naturelles, aux
animaux et aux ennemis. Le Bénin n'échappe pas à cette situation. Pourtant
- ou peut-être à cause de cela - le Vaudou, qui y est né, y est vivace.
Le Bénin est un Etat (République populaire) d'Afrique occidentale sur
l'Atlantique. 112 600 km2. 4,59 millions d'habitants. Capitales : Porto-Novo
(officielle), Cotonou (de fait). Langues : Français (officielle), fon,
adja, bariba, yoruba, peul, romba, aizo. Monnaie : Franc CFA. Cultures
tropicales exportées de Cotonou.
Quelle est succintement son histoire ? Le territoire actuel du Bénin
correspondait avant la colonisation à plusieurs royaumes. Sous le nom
de Dahomey, il fut rattaché à l'Afrique Occidentale française en 1904.
République indépendante en 1960, le Dahomey (qui prend le nom de Bénin
en 1975) connaît une grande instabilité politique, qui aboutit à la
mise en place en 1972 d'un régime socialiste par le colonel Kérékou,
auquel il mit fin en 1990 par l'instauration du multipartisme et la
promulgation d'une nouvelle Constitution. (10)
Porto-Novo est situé à 3O km de Cotonou, près du Nigéria. C'est le centre
des cultes. Mais Abomey est la véritable capitale religieuse du pays
: le foyer du vaudou en plein pays fon.
Enfin, dernière mise au point avant d'entrer dans le vif du sujet, le
GLOSSAIRE (pour s'y retrouver)
GLOSSAIRE
ABOMEY : Ville du Bénin, à environ 1OO km de Cotonou.
ADJA : Ethnie du Bénin.
AFIANKOU : Hypotrague, encore appel, KOBA en français. Mammifère sauvage
de la taille d'un cheval.
AGADJA : Quatrième roi d'Abomey.
AHOWE : Noix de kola.
AKO : clan, souche.
ATAKOUN : Poivre.
AZIZA : Esprit invisible (parfois d'un mort).
AZON : Maladie.
AZONDATO : Guérisseur.
BOH : Gri-gri.
BOKONON ; Charlatan.
BOTO : Praticien de magie noire.
DAN-AIDO-HOVEDO : dragon (ou serpent) maître de l'univers. Son symbole
est l'arc-en-ciel.
DANXOME : (prononcer Danhomé) C'est le vrai nom du royaume d'Abomey.
C'est de ce nom qu'est venu le nom Dahomey, ancienne appellation du
Bénin.
EWE : Ethnie du Togo.
FA (ou FAH) : L'oracle.
FON : Ethnie du Bénin.
GOW : Dieu des forgerons et des chasseurs.
HWEGBADJA : Deuxième roi d'Abomey.
HOH-HO : Dieu des jumeaux et des jumelles.
HOVE : Jugement, justice.
LEGBA (prononcer "lSgba") : Fétiche protecteur des maisons; il est fabriqué
en terre pétrie et installé à tous les portails des maisons qu'il protège.
Quelquefois même, il est logé sous une case. C'est donc une masse de
terre battue, avec deux yeux en cauris et un sexe exagérément long sculpté
en bois. On l'arrose régulièrement d'huile de palme et on lui sacrifie
des poulets.
MAHOU : Dieu Tout Puissant (langage courant)
MAMYWATTA : Le terme proviendrait de Mamy-Water. Une déesse qui habite
la mer. Elle aurait une beauté de fée, avec un corps de poisson et une
tête de femme selon la légende qui dit qu'elle ferait des apparitions
nocturnes sur les plages. C'est la déesse des eaux selon les Vodounon
(voir supra).
MEJOME : Personne digne.
MEWIHWENDO :Sillon noir.
MINA : Ethnie du Togo
OUIDAH : Ville du Bénin.
PRPB : Parti de la Révolution Populaire du Bénin.
SAKPATA AZON : Dieu de la variole.
SEGBO LISSA : Dieu tout Puissant dans le vocabulaire Vodoun. Son symbole
est le caméléon.
TADO : Lieu d'où sont originaires les peuples ADJA & FON (voir ces
mots) au Togo.
TCHAKATOU :C'est un mauvais sort, une maladie lancée à une personne
à distance. Dans le corps de la victime pénètrent de façon très mystérieuse
des tessons de bouteilles, des clous rouillés, des brisures de verre,
d'os ou tout autre objet dangereux. Le tchakatou est toujours mortel.
TOHOSSOU : Dieu des enfants mal formés. Ce terme désigne aussi ces enfants.
Chez les Vodounon, il n'est pas rare de voir des enfants nés avec un
pied, trois bras, des dents poussées depuis le ventre de la mère, sans
nez, etc.
TOUSSAINT LOUVERTURE : Descendant d'esclave d'origine béninoise, assez
célèbre par ces ouvrages et sa lutte contre la traite des nègres.
VODOUN : Fétiche, religion primitive, traditionnelle.
VODOUNGBE : Jour du Vodoun. De nos jours ce terme désigne simplement
le dimanche;
VODOUNDAN : Vodoun ayant pris l'aspect d'un serpent.
VODOUNON :Adepte du Vodoun (ou chef féticheur)
VODOUNSINSIN : Adoration d'un vodoun.
VOH : Sacrifice fait à un Vodoun (voir supra).
VOSSISSA : Offrande de sacrifice à un vodoun.
XEBIOSSO : (lire Hèbiosso) Le tonnerre. Le terme peut désigner, par
extension, le dieu du tonnerre et de la foudre
HISTORIQUE :
A la haute antiquité, c'était en fonction de la conscience distincte
des divinités et de celles des ordres supérieur et inférieur que les
hommes s'accordaient avec la nature, les éléments naturels ; les Vodounons
eux, s'accordaient au pas du calendrier. Le Fah institua la première
écriture divine. Avant que les hommes ne fassent la connaissance du
Fah, le mystère du Vodoun existait déjà. Les anciens hommes saints ne
mouraient pas visiblement aux vues des dieux. Lorsque le moment de leur
mort arrivait, ils se transformaient en espèces divinatoires adorables.
On peut par exemple citer les cas des chefs coutumiers Souhion et Houan-Hou,
de Dogbo-Ahomin, puis de Kpoyizoun de Tado dont le lieu de transmutation
est devenu depuis toujours un lieu de culte des Adja. Il existe bien
des exemples de ce genre à travers tout le golfe du Bénin. A cette époque,
en plus des arts de vodoun, on notait les apparitions momentanées des
divinités aux yeux de certains qu'elles instruisaient sur la valeur
des rites et des principes coutumiers. D'autres dans leurs songes recevaient
les enseignements divins. Les observations de ces enseignements par
les hommes étaient à la base des découvertes et des inventions qui ont
conduit à des formes d'organisations de la vie sociale et spirituelle
sinon religieuse de l'humanité. C'est à partir des premières importantes
découvertes et inventions que les chercheurs et savants occultistes
noirs ont fait la connaissance des écritures du Fah puis ont transfiguré
leurs portées. C'est aux chasseurs qu'Aziza a révélé la nature de l'écriture
sainte qui a permis de comprendre le monde du Vodoun et les communications
faciles et directes avec les divinités pour la sauvegarde de la paix.
Dans le cadre des rituels de Vodoun, chaque créature est compatible
avec les influences du nom de Fah selon la catégorie ou le champ auquel
ils se rapportent. On définit les vertus d'une créature sur la base
de la concordance avec les noms de Fah, sa situation géographique et
les positions lunaires qui en déterminent leurs influences. On peut
ainsi comprendre pourquoi il existe plusieurs formes de sacrifices et
de grigris à la mémoire des divinités. Chaque créature animale, végétale
ou humaine en rapport obligatoire avec la nature dispose d'énergies
confondues et dépendantes des vibrations de Djoogbé, le plus énergétique
des Fah.
Il existe trois catégories de domaines de rituels :
Dans la première catégorie sont les rituels de Vodoun très anciens ou
ceux dont les vibrations sont insondables, immuables et inimitables.
Leurs influences sont incontournables et leurs fidèles sont tenus de
respecter rigoureusement les lois et les règles de la vie. Ce fut au
contact de ces Vodoun que l'humanité a connu les premières manifestations
du Vodoun que les hommes parvinrent à s'identifier par rapport à un
calendrier divin. Les rituels ainsi codifiés dans le temps permirent
l'élévation de la conscience et l'autodiscipline, engendrant une meilleure
organisation sociale et spirituelle. La divination fut considérée comme
seul fondement de l'unité et de la paix de l'humanité.
La deuxième catégorie est constituée de rituels de Vodoun érigés à l'image
de certains de la catégorie précédente selon les prescriptions légales
du Fah originel dans la conscience des ordres distincts des divinités,
de l'entité spirituelle et de l'unité divine. On les nomme "Yévou".
Le troisième champ des rituels est celui dont les Vodoun font l'actualité.
Ils sont issus pour la plupart des diverses transfigurations des champs
de données du Fah et nommés sur la base de l'organigramme spirituel
; c'est le camp de la sorcellerie négative organisée depuis toujours
par des devins dont le but est de troubler l'ordre social et de prétendre
à la maîtrise de l'humanité. Leur action a engendré une opaque obscurité,
sur le monde des Vodoun, voilant les valeurs et les caractéristiques
jugées naturelles et bénéfiques de la sorcellerie africaine, conduisant
à un affaiblissement des identités religieuses fondamentales du monde
du Vodoun.
La nécessité d'observer les rites est à l'origine des savoirs et des
regroupements socio-culturels. Les différents savoirs des cultes religieux
ont entrainé les hommes à la connaissance et à la découverte de nouvelles
disciplines culturelles et sociales. La confection des temples nécessita
la connaissance des vertus des éléments naturels et de leurs alliages.
Il faut aussi noter la discipline templière qui s'impose dans le cadre
de chaque ordre. A l'intention de chaque ordre et de chaque Vodoun,
des paroles, des paraboles, des chansons, des rythmes, des danses, des
méthodes d'invocations,
Certains ont été choisis par le conseil de l'ordre supérieur ou par
Aziza pour diriger les oeuvres divinatoires ou sociales : ce sont des
oints. Sur le plan divin, ils sont dotés d'une perspicacité remarquable
et la plupart sont des organisateurs des cultes et de la vie sociale.
Ils furent à l'origine de la découverte et de l'organisation de l'agriculture,
de la pêche, de la chasse, de la musique, de l'élevage, etc... Parmi
eux étaient choisis les chefs coutumiers. L'administration des classes
sociales était assurée par des oints distingués par leur naissance et
leur intégration spirituelle. Les lieux des temples n'étaient pas choisis
par les hommes eux-mêmes ; ils étaient indiqués soit par Aziza, soit
par des gens inspirés des ordres divinatoires à qui les divinités communiquaient
leurs manifestations. Ces lieux étaient tantôt les bords des cours d'eau,
tantôt dans les forêts, aux pieds des arbres distingués ou des termitières,
tantôt dans les montagnes, etc... A l'issue des contacts divins, les
hommes apprenaient la notion des principaux besoins dont les divinités
leur enseignaient les méthodes et l'intelligence appropriées.
A la suite des dons de toute nature des dieux aux hommes, ceux-ci se
livraient à des activités de transformation de leurs savoirs et de leurs
inspirations acquises des divinités. Des instructions furent données
aux hommes pour le respect, la protection, l'imitation, l'extension,
la communication et l'inspiration constante et la mise en valeur de
tous les biens naturels. Dans le souci de l'inspiration constante, de
la vibration à la cadence des voeux et des prières, de la communication
régulière avec des divinités nommées des ascendants, Dan-Djénon-Ganon
a favorisé la connaissance et la valeur des coraux, des pierres et d'autres
objets précieux. Quant à la notion des perles, des colliers, des chapelets
et des anneaux dont les hommes font usage dans la divination, Aziza
en a été le chef-d'oeuvre. Des parures divines ont été connues des hommes
lors des parutions instantanées des divinités. Leurs conceptions par
les hommes ont nécessité des enseignements et des dons divins relatifs
au Fah. Les portées de leurs valeurs étaient diverses. Elles étaient
nombreuses et distinctes dans la conscience de chacun des ordres divinatoires.
Des colliers, des bracelets et des anneaux étaient dotés de pouvoirs
à maîtriser les artères vibratoires et à dominer tous les obstacles
de la vie. On distinguait les clans et des adeptes des temples par la
nature de leurs ornementations; La notion de l'ornementation divine
avait suscité celles des couleurs et des dessins. La conception des
couleurs et des dessins est un art communicateur, évocateur et invocateur.
Les enseignements rituels liés au Fah avaient favorisé les interprétations
des idées, des pensées, des comportements, des images, des divinités,
des caractéristiques des éléments dans le temps, etc., par la notion
des couleurs et celles des dessins. Sous les influences de Dan-Djénon-Ganon
et d'Aziza, les savants occultistes ont institué l'ordre des principales
couleurs divines dont la blanche est dite la couleur de l'unité divine,
des élus spirituels puis de la sagesse ; elle incarne les finesses de
l'ordre supérieur et de l'Ame suprême en particulier ; elle est aussi
la préférence des ordres d'Aguidi-Godo et de Mamy-Watta. Les couleurs
noire, rouge et blanche unies sont dédiées à Tohossou ; toutes les divinités
soumises à son autorité subissent les influences de son emblème à l'exception
de Dan Djénon-Ganon. Les sources vibratoires et les finalités des temples
étaient identifiées à partir de leur symbole que l'on distinguait par
la ou les couleurs qui le composent.
Le dessin est un sceau. Il traduit les choses, les personnages, les
événements et leur importance. Pour mieux expliquer les dessins, les
teintures de couleurs se révélaient indispensables. Des devins spécialistes
gravaient des images divines, humaines et animales sur les peaux d'animaux,
les pierres, les feuilles et le bois. Dans la divination, ces images
étaient devenues célèbres. Sur la base des enseignements du Fah, elles
étaient vivifiées et permettaient ainsi les communications divines.
Ce fut le moment où les hommes conçurent la notion de statues divines,
des gravures influentes, des masques et la confection des images des
divinités (vodoun et temples). A l'aide des dessins les chercheurs ont
découvert la notion de poterie et de coiffure. Certains ont suscité
par le biais du dessin la perfection de la musique traditionnelle par
la création constante de ses instruments. Les louanges chantées ou récitées
en direction des images divines sont à la base des premières chansons,
des paraboles ou paroles incantatoires ; on y notait aussi la poésie
africaine.
Pour la compréhension de la nature et de la collaboration avec l'univers,
les recherches divinatoires doivent être essentiellement orientées vers
les Togbi, chargés d'organiser et d'entretenir le monde tout entier
et l'humanité en particulier dans la position originelle de l'univers.
Ces humains d'autrefois ne sont pas vraiment morts ; ils sont dans les
forêts, dans les ruisseaux, dans les montagnes, dans les collines.
Les Togbi sont soit des reptiles, des animaux, des oiseaux, des pierres,
des rochers, des poteries, des poissons, des crocodiles, des statuettes,
soit des vertus dans l'eau, le feu, le bois, le métal, la terre, etc.
STRUCTURES:
Avant toute autre articulation du monde de Vodoun, il faut se saisir
des notions pour la connaissance et la maîtrise de l'ordre des divinités
à la base de toute forme de nomination et d'interprétation des rituels
puis des champs de sorcellerie en général. A l'issue de leurs investigations
spirituelles, les chercheurs de l'OBRDD (5) ont approuvé que Ségbo-Lissa
soit l'ensemble des consciences des divinités qu'on nomme Ségbo-Lissa,
Tohossou, Dan-Djénon-Ganon, Dan-Ando-Hou,do, Hébiesso, Gou ou Egou,
Aziza, Sakpata-Azon, puis Hoh-Ho ou Togboth ; Elles forment l'entité
spirituelle : "Mahou" et sont pour ainsi dire divisées en deux ordres,
l'un supérieur, l'autre inférieur. L'ordre supérieur est l'union des
Ségbo-Lissa, Tohossou et le Dan-Djénon-Gan. On le nomme Ségbo-Lissa,
Agbadjou-Honon. Les six suivantes divinités réunies en une association
est l'ordre inférieur appelé Aguidi-Godo.
NOTION DE L'ORGANISATION :
Les institutions de l'humanité furent liées dès sa création à l'organisation
et aux systèmes divinatoires. Il existe des rites pour tous les ordres
divinatoires. Les africains sont polythéistes en fonction de la nécessité
d'observer les rituels des consciences divines dans le strict respect
des principes de l'unité divine. Ainsi les rites étaient-ils à la base
de la naissance des Clans et de leur situation géographique. La première
vision de l'humanité reposait sur deux points essentiels : l'organisation
des Dieux et celle des hommes. La notion de l'organisation divine se
résume en six points : L'organigramme spirituel, la manifestation des
divinités, la trinité divine, les systèmes, l'emploi du temps divin,
les rites.
L'enseignement des principaux points de l'organisation divine est la
condition sans laquelle ni une culture, ni une civilisation africaine
ne saurait être déterminée avec clarté. On peut aisément en déduire
que lorsqu'on veut parler des courants de la civilisation africaine,
il faut implicitement parcourir l'histoire divine des peuples du berceau
de l'humanité depuis sa création...Toute l'humanité et sa nature sont
affiliées aux différents systèmes auxquelles se rapportent les lois
dont l'aboutissement détermine les vibrations des temps et des éléments
qui composent la nature et tout ce qui s'y rapporte. L'interprétation
des systèmes et des éléments dans le temps, c'est la sorcellerie. Toute
forme de vie humaine se trouve donc liée à la sorcellerie qui en détermine
les fondements.
Les règles de la vie sont liées à un code de neuf systèmes divinatoires
rotatifs. La lune, génératrice de la vie, constitue leur repère. C'est
ainsi que le premier jour de son apparition est consacré à l'ordination
de la vie. Le deuxième jour est consacré à la mort. Le troisième est
lié à la spiritualité. Le quatrième est dédié à la maladie. Le cinquième
est lié aux sacrifices rituels. Le sixième est consacré à la justice
et au jugement. Le septième est dédié à la culture et aux sciences.
Le huitième jour est lié à la tribulation. Enfin, le neuvième est consacré
à la paix.
Durant ces neufs jours de l'ordination, Ségbo-Lissa a accordé une attention
particulière aux sept jours de la création de l'univers. Quatre autres
jours déterminatifs suscitent d'autres particularités non moins importantes.
Leurs noms ne sont que des équivalences, mais la dénomination de ces
dernières datent de plusieurs siècles et ont toujours été l'objet de
transposition dans un ordre strict. Ailleurs, elles peuvent être nommées
X ou Y, mais leur ordre doit s'imposer pour le respect de la valeur
de chaque jour.
Les systèmes obéissent non seulement aux neufs premiers jours de la
lune, mais aussi à tous les jours du cycle lunaire, ce qui leur permet
d'obéir à la formule rotative qui fait que le même système revient dans
le commandement divin chaque dixième jour. Compte tenu de leur corrélation
selon leurs influences sur la nature, une part de règne leur est accordée
chaque jour.
Ségbo-Lissa a doté chaque jour de l'ordination d'une puissance incommensurable.
On ne peut changer son jour de naissance. L'étude et la connaissance
des jours sont indispensables.Chacun de ces jours a son influence sur
la nature et sur tout ce qu'elle contient. Supposons un groupe de jours
: tous les lundis. Chacun est chargé de lois qui régissent l'univers
en son terme et explique le comportement des hommes dans la journée.
Chacun renferme des vertus qui sont à l'origine de ses influences naturelles.
Leur bonne interprétation détermine la conduite des êtres dans la vie.
( A la suite des études effectuées, à partir des découpages des temps
divins, la délimitation des années permet de conclure que nous vivons
actuellement les cours du 25ème siècle divin et le 7ème système de la
troisième ère à compter de l'an zéro. La fin de notre ère interviendra
en l'an 2187, puis la fin de notre époque sera l'an 6561. Mais ce ne
sera pas la fin du monde qui est indéfinissable...)
cf ORGANIGRAMME.
L'importance de l'organisation divine nous amène à exposer la notion
de la distinction des divinités comme suit :
SEGBO-LISSA : Divinité à qui on attribue la source de tout ce qui existe.
Elle est l'Ame suprême. On lui doit l'organisation divine et celle de
l'humanité. Elle n'a engendré que Tohossou seule.
TOHOSSOU : Née de Ségbo-Lissa, elle a le pouvoir de l'Ame suprême afin
d'engendrer tout le reste des divinités pour permettre ainsi l'organisation
des ordres divinatoires.
DAN-DJENON-GANON : Première émanation de Tohossou, elle est chargée
de la fortune et de l'anéantissement. Toutes les divinités de l'ordre
inférieur sont sous ses ordres. Elle est mandatée par l'ordre supérieur
pour définir les lois et les règles des systèmes religieux dans la conscience
de tous les ordres.
DAN-AIDO-HOUEDO : Deuxième émanation de Tohossou, au service de Dan-Djénon-Ganon
dont elle est en permanence chargée de missions. Elle sert de moyens
de transport aux autres divinités à qui elle prête ses dons de transmutation
hors du commun hérités de Dan-Djénon-Ganon.
HEBIESSO : Troisième incarnation de Tohossou, elle a une part de missions
dans les services du maintien de l'ordre et de l'anéantissement. C'est
le dieu de la foudre.
EGOU : Quatrième incarnation de Tohossou, elle s'occupe de la transformation
matérielle dans le domaine de la technique et de l'armement. Réputée
dans sa participation au contrôle du maintien de l'ordre, elle est la
divinité chargée de la catastrophe.
AZIZA : Cinquième incarnation de Tohossou, elle est chargée de la communication,
du contrôle du maintien de l'ordre et de l'anéantissement ; sa manifestation
est indispensable à celle des ordres.
SAKPATA-AZON : Sixième émanation de Tohossou, chargée de la population,
de la justice, de la santé.
TOGBOH : Septième incarnation de Tohossou, divinité des jumeaux, de
la vision et de la précision.
La notion primitive de la trinité divine avait été enseignée dans le
cadre strict du culte religieux et de la notion templière . Ceux-ci
étaient depuis la haute antiquité les seuls moyens par lesquels la
Dans l'histoire de la trinité divine, les hommes n'avaient pas su interpréter
correctement ces différentes catégories. Lorsqu'ils voulurent leur affilier
les règles de la notion templière ce fut le chaos du monde du vodoun.
Les règles de l'entité spirituelle furent ignorées et la réalisation
de l'unité divine impossible. On en conclut que les structures socio-culturelles
avaient alors emprunté "la voie du faussaire" et que le diabolisme s'était
imposé en maître du terrain. En fait, la mauvaise interprétation templière
des systèmes divinatoires distincts avait surtout été à la base de l'ignorance
des règles à la source de l'institution de la notion de trinité divine.
Certains peuples qui s'étaient inspirés de la trinité n'étaient en fin
de compte pas parvenus à doter l'Afrique d'une histoire complète de
la divination.
Toutes les tentatives d'études templières à l'intention de la trinité
n'avaient nulle part connu un emboîtement effectif de la doctrine de
l'unité divine. De même, les peuples hautement évolués dans la doctrine
de la trinité divine n'avaient pu accéder à un plan réel qui puisse
permettre la réalisation de l'unité divine à l'échelle universelle.
Il fallut alors intégrer l'idée que la notion primitive de l'unité divine
fondée sur celles de l'entité spirituelle et de la trinité divine était
nécessaire au communisme spirituel, à l'unité de la race humaine, au
d,veloppement, au progrès et à la paix des peuples.
La notion de la trinité divine était la plus haute instance socio-culturelle
des peuples du berceau de l'humanité. Dans le plan de paix de Sègbo-Lissa
avait été inscrit que les hommes auraient la paix éternelle, si - et
seulement si - ils se conformaient aux principes de la grande trinité
en appliquant simplement les règles indispensables pour le respect de
l'unité divine. Pour ce faire, la doctrine templière devait se situer
dans le cadre de la foi religieuse à la mémoire de n'importe quelle
trinité divine fondée sur le principe de l'entité spirituelle.
ET AUJOURD'HUI ?
Recourir au Vodoun, c'est engager les grandes masses dans le processus
du développement autocentré, mais encore faut-il que ce recentrage du
processus de développement, cette "prise en main" par le biais de la
spiritualité, soit l'objet d'un discernement national. Or le Bénin,
comme l'Afrique d'aujourd'hui, est pluraliste. Dans l'âge démocratique,
le Vodoun propose de distinguer définitivement le magico-sorcier du
religieux et de le confier au Département de Science de la Vie. Une
législation adéquate devrait exorciser le savoir pratique contenu dans
le magico-sorcier de l'arcane et de l'ésotérique. "Les Vodounon reprendraient
alors avec plus de profondeur l'intuition religieuse des ancêtres qui
avaient estimé qu'il fallait mobiliser tout l'homme en vue de la rencontre
avec l'être mystérieux qui se donne à expérimenter comme transcendant
au coeur de la parenté"(6)
Si dans la diaspora le Vodoun a développé successivement une dimension
de culte d'évasion hors du mâche-fer d'une existence aliénée, vouée
au travail forcé dans les champs de canne à sucre et de communion mystique
avec une Afrique transfigurée en paradis perdu, puis une dimension de
contestation politique pour armer mystiquement les esclaves dont Toussaint
Louverture devait prendre la tête pour les luttes de la libération d'Haïti,
il n'en fut pas moins la dimension qu'il a toujours connue dans le Danxome
des Rois, à savoir celle d'intégration sociale. Du Dahomey précolonial
au Bénin du Renouveau Démocratique en passant par le Dahomey colonial,
le Vodoun a connu deux grandes fonctions sociales ; il a servi de foyer
de résistance à l'aliénation de la société. D'aucuns diraient aujourd'hui
à la suite de l'auteur d'"Afriques indociles" - Achille Mbembé - qu'il
a servi à "mettre en échec le vecteur chrétien".
Le Vodoun a développé en outre sa fonction constitutive d'intégrateur
social. Il faut comprendre par là que la force de constitution du pouvoir
politique traditionnel réside dans la maîtrise de la jonction de l'imaginaire
et du symbolique. Ainsi, dans la genèse anthropologique du Vodoun, tous
les fantasmes angoissants qui surgissent de la désintégration de composé
humain dans la mort subissent une transformation symbolique qui fait
passer le mort de l'état de pourriture en état de "Souvenir des plus
chers" selon la belle définition de l'intellectuel Gedegbé. (Le Roi
détenait seul le pouvoir de nomination des responsables des pompes funèbres
chargés des rites de transformation et de constitution du mort en Vodoun).
Le risque le plus grave qui menace les sociétés africaines est la reprise
incantatoire du mot démocratie. Certes, des nobles aux colons, aux esclaves
et aux bourgeois, on en est venu à l'homme en tant que tel comme sujet
de droit. C'est là un bénéfique pas de géant, mais qui peut déboucher
sur nombre d'excès, par le déséquilibre qui pourrait naître des individualités
ou des particularités exacerbées, entre forts et faibles, entre gestionnaires
du Vodoun, détenteurs de pouvoirs occultes de dissuasion et simples
héritiers du patrimoine ancestral. Si l'on admet que le noeud des problèmes
des droits et des devoirs se trouve à l'articulation de l'intelligence
et de la volonté, on peut comprendre que certains partis politiques
puissent maintenir la complicité du silence sur un regain du Vodoun
sans discernement. Bien des observateurs sociaux les soupçonnent dès
lors de préparer à court ou à long terme un électorat composé à plus
de 60% d'adeptes de la religion traditionnelle Vodoun.
LE VODOUN EN CONTEXTE DEMOCRATIQUE :
La démocratie moderne suppose un certain nombre de composantes institutionnelles
que l'Afrique d'aujourd'hui doit penser de manière systèmique. Or, parce
que les intellectuels n'assument pas pleinement les tâches de réflexion
inscrites dans le tissu social, les vieilles institutions ancestrales
et royales reprennent vie comme des épaves du naufrage de la société
sur l'océan du monde moderne. L'Etat délègue d'ailleurs - compromis
harmonieux, ou facile ? -. L'un de mes correspondants à Cotonou ne m'a-t-il
pas écrit, alors que candide démocrate, je m'étonnais d'une vitalité
royale, alors que je considérais la royauté comme pur souvenir représentatif
du passé dans un état démocratique: "Concernant la compétence juridique
des rois dans mon pays je te dis ceci : Nous avons bien un ministre
de la Justice au plan national, mais le pays étant constitué d'anciens
royaumes, à chaque royaume comprenant une structure locale assez organisée
- il est à présent un peu difficile de perdre subitement les habitudes
héritees depuis des siècles, encore que notre démocratie reconnait officiellement
les structures locales et leur attribue par conséquent plein droit.
Au départ (et en principe ), la limite entre les secteurs d'activités
de la justice administrative et de la justice locale était franche et
rigoureuse, mais avec le temps, chacun a commencé par dévier ses procès
du côté de la justice où il se sentait avantagé. Laisse-moi te dire
en tous cas que les béninois (surtout les paysans) trouvent trop protocolaire
et complexe la justice héritée de l'administration coloniale française.
Cela ne fait qu'arranger les choses du côté de la royauté. Toute peine
méritant salaire, l'administration (locale) royale aussi ne peut que
vivre des amendes pour culpabilité.
Considérons un individu A qui envoûte par sorcellerie un individu B.
Des suites de l'envoûtement, l'individu B va voler un mouton. Par pur
hasard, le mouton appartient à A. L'animal devant manger, il va brouter
les jeunes plants de culture dans le champ du jeune frère de A. Sous
l'effet de la colère, le frère de A tue l'animal sans se rendre compte
qu'il est à son grand frère. A intente alors un procès à B pour vol
de mouton. B intente un procès au frère de A pour abattage de "son"
animal. Le jeune frère de A peut encore intenter un procès contre B
parce que son animal a brouté "ses" plants. La justice nationale aura
beaucoup de mal à trancher cette affaire parce qu'elle ne sait pas s'y
prendre dans les affaires d'envoûtement. Par ailleurs, si A ne veut
pas que le procès qu'il a intenté à B se "retourne" contre lui, et si
le frère de A ne veut pas que le procès intenté à B ne se "retourne"
sur A (son frère) parce qu'en réalité, c'est le mouton de son frère
qui a brouté ses plants, ils n'ont pas intérêt à traîner loin cette
affaire.
La justice nationale ne peut que renvoyer cette affaire pour incompétence.
Mais elle est très belle à saisir par la royauté qui devra la régler
très rapidement contre quelques bouteilles d'alcool local et bien sûr
contre perception d'amende. En un mot, la justice nationale ne se mêle
pas trop des affaires de famille, surtout si elles sont mêlées d'histoires
de sorcellerie. (Lettre d'A.A. du 6.09.94)
A quoi sert de reprendre de manière incantatoire la distinction des
trois pouvoirs (le législatif, l'exécutif et le judiciaire) si ces instances
doivent faire silence sur les vrais problèmes de société ?
Il n'est nullement suffisant que des gouvernants ou des chefs de partis
disent en privé qu'ils n'entendent guère apporter leur concours à une
vitalité nouvelle du Vodoun. D'autre part, il ne suffira pas de donner
des ordres au pouvoir judiciaire pour sanctionner des crimes occultes.
De tels ordres ne seront même pas exécutés parce que tout le pays sera
sous l'emprise de la peur ... Le pouvoir magico-sorcier qui s'est greffé
à tort sur le fond d'expérience religieuse Vodoun doit en être distingué
et chacun des deux domaines doit être appréhendé pour lui-même. "Le
fond de savoir réel sur lequel se fonde le magicien thérapeute doit
pouvoir être récupéré par le département des Sciences de la Vie pour
s'inscrire dans un circuit de savoir universel que nous qualifions par
ailleurs d'ésotérique" (6)
Sous le régime du PRPB ont eu lieu des procès avortés de sorciers et
de sorcières parce que le Code Pénal en usage ne correspond pas aux
réalités, et ceux qui étaient chargés de juger les présumés criminels
ont craint pour leur propre vie. Ce furent donc des non-lieux. Le régime
démocratique en libéralisant le culte Vodoun sans le distinguer par
des critères appropriés du magico-sorcier, se met dans l'incapacité
radicale de faire mieux que le PRPB. La stratégie qui consiste à opposer
- sournoisement - l'univers traditionnel Vodoun aux religions "importées"
apparaît comme une manoeuvre. Il n'est en tous cas pas juste de fermer
les yeux sur les crimes institutionnels à la base de l'érection de certains
Vodoun anciens et modernes, précisément les plus redoutés, pour allumer
des polémiques inter-religieuses de diversion.
Il existe au Bénin des associations comme celle des Chefs Coutumiers
et Traditionnels , celle des Guérisseurs et l'une des dernières en date,
la Communauté nationale du Culte Vodoun du Bénin. Il semble que les
citoyens aimeraient être informés sur les statuts et les activités de
telles associations
ainsi que sur leurs liens avec les trois différentes instances dont
la distinction constitue l'essence de la démocratie.
LE VODOUN EN CONTEXTE PLURALISTE / RAPPORT AVEC LE CHRISTIANISME
Emile Durkheim (7) a tenté de montrer que la religion traditionnelle
n'était qu'une transfiguration de la société. Totem, Dieux, sont autant
de noms pris par la société quand elle a été transfigurée par la foi.
On connaît la méthode suivie par l'auteur : une description du totémisme,
surtout australien, qu'il pose non sans un certain arbitraire, comme
la forme la plus primitive de la religion, ensuite l'élaboration d'une
théorie de l'essence de la religion tirée de la description faite ;
enfin l'interprétation sociologique des formes de la pensée humaine,
c'est-à-dire l'introduction à la sociologie de la connaissance. Il définit
ainsi la religion : "Un système solidaire de croyances et de pratiques
relatives à des choses sacrées c'est-à-dire séparées, interdites, croyances
et pratiques qui unissent en une même communauté morale appelée Eglise,
tous ceux qui y adhèrent" (8). Le trait ecclésial distingue la religion
de la magie. Sur cette base, il rejette l'animisme et le naturisme.
(Selon l'animisme, la religion naîtrait de la transfiguration que les
hommes font de leur nature double de corps et d'âme, elle serait la
croyance aux esprits. Le naturisme quant à lui serait la transfiguration
des forces naturelles.)
La source de la religion est particulièrement active au moment des grandes
crises et des effervescences. Au Bénin, à l'heure du Renouveau Démocratique
en mal d'un souffle mystique qui puisse le porter, une remontée générale
du "refoulé noir" s'opère. Cela demande vigilance intellectuelle, éthique
et religieuse, car c'est précisément là que les Vodun les plus violents
naissent, consécrations sacrales du magico-sorcier à l'état pur, qui
voudraient prendre le pas sur le sacré proprement dit.
L'héritage religieux Vodoun paraît donc digne d'être assumé dans ce
contexte pluraliste moderne sous trois aspects :
L'aspect sapiental : Le Vodun est apparu comme une parole en expansion
généreuse dans le monde humain, dans l'univers cosmo-biologique et dans
le monde socio-politique.
L'aspect éthique et moral : L'école théologique Vodun a développé tout
un système de comportement éthique propre à faire de la société humaine
un lieu d'avènement de l'homme sous le signe du sacré. (Un homme ou
une femme au sortir d'un couvent Vodun où il a reçu l'initiation devrait
être plein(e) de respect pour l'ancien, pour toute autorité, rempli(e)
de sens de fraternité pour ses propres frères et soeurs d'initiation,
discret(e) et sobre dans ses propos. Un religieux ou une religieuse
Vodun est tenu(e) d'être un modèle.)
L'aspect mystique : Aussi bien l'effort sapiential que l'effort éthique
ne sont qu'une préparation à la communion mystique que le croyant Vodun
recherche à travers la prise de possession, la transe et l'expérience
de la mort-résurrection symbolique. Le point fort de l'expérience Vodun
est la propre mort radicale pour s'identifier avec la divinité.
Le pape Jean-Paul II a ouvert un dialogue inter-religieux avec les responsables
du Vodun. Mais ces derniers, tout en en se félicitant de l'entreprise,
pensent que ce dialogue ne peut pas n'être qu'une affaire de théologiens
et d'intellectuels, qu'il doit exister au niveau de la vie quotidienne
de chacun, au niveau de la collaboration à toute tâche de promotion
humaine et de développement, de justice et de libération humaine, au
niveau du partage d'expériences religieuses dans la recherche commune
de Dieu
CONCLUSION :
Pour ceux qui s'intéressent aux racines traditionnelles de la civilisation
africaine, le monde du Vodun représente une source intarissable d'informations
sur les aspects les plus divers. Aux étudiants en philosophie ou en
religion comparées, il offre plus de chances de percer le sens profond
de l'héritage spirituel de l'Afrique. Aux sociologues et aux anthropologues
il dévoile les mécanismes de la société de la haute antiquité, scientifiquement
organisée et parfaitement paisible instituée sur les bases d'une haute
pensée spirituelle. Les psychologues y puiseront d'importantes informations
sur la nature de la conscience, sur le comportement humain et l'identité
de l'être.
Notes :
(1) Aide & Action, 67, Bd Soult, 75012 Paris ( T,l. 40 19 04 14)
(2) Renato Almeida, Contribution de l'Afrique à la civilisation brésilienne.
(3) Serge Hutin, Techniques de l'envoûtement (Ed. Belfond)
(4) Eric de Rosny, l'Afrique des guérisons (Ed. Karthala)
(5) Organisation béninoise pour la recherche & la définition de
la tradition divinatoire
(BP 07-0179, Cotonou).
(6) Préface à la contribution du Sillon noir (Premier Festival des Arts
& des Cultures Vodun / Ouidah / 8 au 18.02.93)
(7) Emile Durkheim : Sociologue français (1858-1917). Un des pères des
sciences sociales positives. Bibliographie : " La Division du travail
social", règles sur la méthode sociologique", Le Suicide", Les Formes
élémentaires de la vie religieuse".
(8) Emile Durkheim, Formes élémentaires de la Vie religieuse (1912)
(9) Joseph Maxwell, La Magie (Flammarion)
(10) Source : Le Robert.
Bibliographie :
JUSTIN FAKAMBI : Routes des Esclaves au Bénin (ex-Dahomey) dans une
approche régionale (BP 174, Ouidah, Bénin)
PAULIN ETIENNE EDAH : Lumière sur le monde du Vodun ( c/o OBRDD, BP
07-0179, Cotonou, Bénin)
ABBE BARTHELEMY ADOUKONOU : Vodun, démocratie & pluralisme religieux
(Les publications du Sillon noir, Cotonou)
Jacky Ferjault (C) Août 1995.
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