JOSÉ MOSELLI SA
VIE, SON ŒUVRE par
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PREMIÈRE PARTIE
par
Jean Leclercq
C'est
bien peu, ce n'était rien pour un aussi prestigieux conteur de récits
d'aventures pour la jeunesse, même très âgée !
Je
viens de pécher par orgueil : j'ai voulu faire preuve d'érudition sur une œuvre
de l'auteur : reprenons... Grâce
à Dieu, c'est façon de parler, les héritiers de Mme Fernande Marcelin, ses
neveux et nièces, M. et Mme Charles-Marcelin, sont des gens dignes d'estime.
Ils ont connu jadis "l'oncle José" et visité constamment leur tante,
lors de ses longues années de solitude. Ils ont fait édifier au cimetière du
Cannet, en la même concession, un sobre tombeau de marbre gris, qui porte
seulement, sans dates ni commentaires, les deux noms, disposés comme suit : José MOSELLI "romancier"
Fernande
MARCELIN
Union
justifiée ; nous pouvons révéler que Mme Fernande Marcelin avait été mariée,
puis délaissée, avant la guerre de 1914. Elle a dû connaître José pendant
la guerre ou immédiatement après, il vécurent ensemble de 1920/1921 à 1941,
année de la mort de José Moselli, après les affres d'un douloureux cancer,
qu'il avait caché le plus longtemps possible. Malgré les demandes réitérées
de Fernande Marcelin (son nom de jeune fille), son ancien mari refusa
constamment le divorce, ne l'accordant qu'après la mort de José Moselli, ce
qui ne permit pas à Mme Marcelin de se remarier. L'amour et l'affection de José
Moselli pour Fernande Marcelin sont attestés par plusieurs testaments
manuscrits et successifs, que j'ai pu lire et où toujours, il fait don de ses
biens et œuvres à sa chère Fernande Marcelin. 1.2
- Lettre de Mme Charles-Marcelin à J. & J. Leclercq
C Sa
vie. Et
d'autre part, nous avons retrouvé quelques cartes de presse : Mme Charles-Marcelin Autre
lettre de Mme Charles Marcelin, datée du 6 novembre 1980 : Au
sujet d'une des deux sœurs de José, dont parle M. Jacques Van Herp, ce doit être
Rolande. signé NIKKO. Etait-ce José Moselli ?
Ce
sont des commentaires très divers, d'une page, à la machine à écrire. En
espérant que des quelques renseignements ne soient pas trop embrouillés, ou
trop vagues et qu'ils soient utiles à vos lecteurs. 1.3
-
Sur José
Moselli. extrait
d'un article de G. Fronval sur (article
paru dans Phénix) (NdE
: Cet article fait peut-être double emploi avec le suivant, cependant nous
avons tenu à le conserver car il donne quelques informations complémentaires) Ils
devaient par la suite réparer cet oubli. Un
auteur formidable
Une fantastique production (NdE : les chiffres donnés par Fronval ne correspondent pas toujours à la bibliographie donnée en fin de volume, nous n'avons pas voulu modifier le texte original, même s'il comporte des erreurs. Voici ce que m'écrit Claude Hermier : "Fronval écrivait sans vérifier, il se fiait à sa mémoire. Lagneau lui en avait fait la remarque : Vos articles comportent des erreurs. Lagneau n'était pas le seul à le dire. Fronval lui répondait : Les lecteurs corrigeront d'eux-mêmes ! Curieuse réponse !")
1.4 - JOSE MOSELLI, SA VIE SON ŒUVRE par George Fronval (article paru dans "le Chasseur d'Illustrés", n° spécial Moselli, 1970) JOSE MOSELLI... Un auteur prodigue, à la production exceptionnelle, à l'imagination débordante. Un écrivain qui possédait admirablement ses sujets et qui, pendant de nombreuses années, a su les distiller avec subtilité et art, pour la plus grande joie de milliers de lecteurs. JOSE MOSELLI... Un maître du roman d'aventures, un promoteur de la Science-Fiction qui, aujourd'hui encore, a ses farouches et enthousiastes admirateurs. Un homme simple, probe, discret, sur lequel on ne possédait que de très vagues informations. Qui était-il ? D'où venait-il ? Quels furent ses réels débuts littéraires ? Autant d'énigmes jusqu'à ce jour jamais élucidées. Ce qu'on savait de lui, on l'a appris ou, pour être plus précis, je l'ai appris par certains de ses amis. Il m'est souvent arrivé, en effet d'évoquer avec le charmant et regretté André Galland, dans son studio de la rue de la Tour d'Auvergne, le souvenir de José Moselli. André Galland le connaissait très bien et il l'avait vu faire ses débuts chez les Offenstadt. J'ai entrepris sur l'œuvre de José Moselli d'incroyables recherches, j'ai parcouru tous les journaux des Offenstadt, page par page, j'ai pris des centaines de notes, et je suis arrivé à faire un répertoire précis, net, et je crois, complet. Je remercie ici, Messieurs Guillaumin et Perchet qui m'ont aidé à pointer mes listes. Mais la perfection n'est pas de ce monde, et il se pourrait que durant mes investigations, un titre, une date m'aient échappé. Alors, chers amis Chasseurs d'Illustrés, apportez vos rectifications, vos précisions, comme vous l'avez déjà fait pour Jean de la Hire, et tout le monde sera content. A côté de mes recherches de bibliothèque, il y a d'autres détails, la Petite Histoire, la vie privée d'un auteur, comment il a été amené à devenir écrivain, quels ont été ses débuts. Un tas de petits faits ignorés jusqu'alors et que j'ai la bonne fortune de vous raconter aujourd'hui, car j'ai des renseignements de première source. Il y a quelques semaines, me trouvant sur la Côte d'Azur, je me suis arrêté, sur le chemin du retour, à Cannes. Un après-midi, après avoir franchi le pont de chemin de fer, proche de la gare, je me suis engagé dans une rue longue, étroite, sinueuse, interminable, s'enfonçant à l'intérieur des terres. Je progressais lentement, cherchant un nom sur les plaques des villas. Une réelle émotion m'étreignait. J'avais rendez-vous, et la personne qui m'attendait n'était autre que la fidèle compagne de José Moselli. Après de laborieuses recherches, alors que je commençais à désespérer, je découvris gravé sur le fronton d'une importante demeure située en retrait le nom tant recherché :"Le Balaton". Sur le côté, plusieurs boutons et, comme cela est fréquent dans le Sud-Ouest, la bouche d'un mégaphone. Près d'un bouton, une carte de visite : celle de José Moselli. Un léger déclic et la porte s'entrouvrit. Je montai un escalier et, sur le palier du second étage, une vieille dame m'attendait, souriante. Elle était petite, frêle, le visage rose, les yeux bleus très vifs, les cheveux blancs formant une frange sur le front. - Bonjour, Monsieur... je suis bien heureuse de vous recevoir... - Mais, Madame, ma satisfaction est très grande ! J'entre. Je suis chez José Moselli ! L'appartement était petit, coquet et très encombré. Partout des livres, des paquets de journaux, des publications, des gravures, des souvenirs. - José Moselli habitait autrefois une très grande villa au Cannet, avec un très vaste jardin. C'est là qu'il s'était retiré lorsque cela n'a plus très bien marché rue de Dunkerque. Il y est mort et est enterré au cimetière du Cannet. La villa étant beaucoup trop grande pour moi seule, j'ai vendu la propriété et je me suis retirée dans cet appartement beaucoup plus modeste. Mais voyez, José Moselli est toujours à mes côtés ! Posés contre le mur, de nombreux cadres attendent d'être accrochés. - Ah, ses bateaux ! Comme il les aimait. Voyez ces sous-verre, tous les paquebots des Messageries Maritimes, des Chargeurs Réunis, de la Compagnie Paquet. Il en était fou et ne voulait pas s'en séparer. Si vous ouvrez un coffret, une boîte, vous y trouverez des cartes postales, souvenirs de voyages et d'escales. Des cartes postales, vous en trouverez encore entre les pages d'un manuscrit. Il avait une mémoire prodigieuse, mais il tenait à s'assurer qu'il ne se trompait pas. Un thé des Indes répand son arôme parfumé dans la pièce, et mon aimable hôtesse commença : - José Moselli s'appelait de son vrai nom... Joseph Moselli. Il était fils et petit-fils de banquier et lui-même s'y connaissait fort bien en opérations bancaires et en tractations boursières. Il naquit à Paris, le 28 août 1882, place Edouard VII, non loin de la Madeleine. Il est mort le 21 juillet 1941, au Cannet. En dépit de ses origines bourgeoises, José Moselli, épris d'aventures, débuta dans la vie comme simple mousse à bord d'un voilier, qui bourlingua sur toutes les mers du monde. Le maître d'équipage était brutal et ivrogne. Il avait pris en grippe le jeune garçon et lui réservait les besognes les plus dures et les plus ingrates. Le gamin obéissait sans rechigner, mais vouait, en son for intérieur, une haine farouche à son tortionnaire. Un jour, au cours d'une tempête, le "bosco" fut mortellement blessé. En dépit des soins il décéda, et lorsque vint le moment des funérailles, on chargea le jeune mousse de coudre la voile devant lui servir de linceul. Prenant une grosse aiguille, l'enfant se mit au travail. Donnant libre cours à sa fureur, le mousse, avec sadisme, traversa le nez du mort avec son aiguille. Sa vengeance, ainsi, était satisfaite. Le jeune mousse eut un nouveau patron qui se montra moins violent à son égard. Sous ses ordres, il navigua sur toutes les mers du monde, accroissant sans cesse ses connaissances, qui lui seront fort utiles plus tard. Il servit ensuite sur un long-courrier des "Messageries Maritimes" qui desservait les ports de la côte atlantique de l'Amérique du Sud, doublait le Cap Horn, et remontait tout au long de l'autre versant du continent américain. Un jour, le jeune matelot se trouvant en bordée dans un port du Chili ou du Pérou, je ne saurais le préciser, oublia de remonter à bord. Il était déserteur, et c'était là une chose très grave. On ne badine pas avec le règlement dans la Marine Marchande, tout autant que dans la Marine Nationale. Insouciant, notre ami s'en fut voguer sous les cieux ensoleillés des Mers du Sud. Il se baigna dans les eaux tièdes et claires des lagons, flâna sur les plages de sable fin et, à l'ombre des cocotiers, flirta avec les nonchalantes vahinées. Mais, enfin, il pensa au critique de sa situation. Rentrant en France, à Marseille, il se présenta au bureau des "M.M.", honteux, confus et repentant. Il fut traduit devant le Conseil de Discipline, conformément au règlement. Ses juges se montrèrent bienveillants, et ses employeurs, oubliant ses erreurs et voyant qu'ils avaient devant eux une nature exceptionnelle, se chargèrent de ses études. A l'issue de celles-ci, le jeune homme était devenu officier de la Marine Marchande. Ayant revêtu son nouvel uniforme, il se mit en quête d'un engagement. On le lui proposa aussitôt. C'était une curieuse affaire. Il y avait, dans le port de Marseille, une grue géante sur un lourd ponton, destinée à un entrepreneur de Saigon. Personne ne voulait la convoyer jusque là. En effet les deux précédentes avaient coulé en cours de route. C'était risqué, téméraire, hasardeux, José Moselli accepta. La grue quitta Marseille, franchit le canal de Suez, navigua sur l'Océan Indien et finit par accoster sans aléas au quai Paul Doumer à Saigon. José Moselli avait mené sa première affaire à bonne fin. Pendant de nombreuses années, il parcourut tous les océans, visita les pays les plus divers, glanant renseignements et cartes postales. Un jour, il jugea qu'il en avait assez vu. Il rentra à Marseille, "monta" à Paris et se mit en quête d'un nouvel emploi. La mer, il devait la retrouver quelques années plus tard, lors de la guerre 1914-1918, quand on lui donna le commandement d'un transport de troupes assurant la liaison entre Marseille et Salonique. Ces voyages en Orient lui furent très utiles pour certains de ses romans. Vous vous souvenez, dans "Le Roi des Boxeurs", "Les Pendeurs du Danube", "Les Espions de Moudros", "Le Reître d'Erzeroum". Voici donc José Moselli à Paris. Il n'est pas fait pour la Banque, le Commerce et la paperasserie. Non, le Journalisme le tente. Mais il ne débute pas comme il l'aurait voulu dans le Grand Reportage. On lui confie une petite rubrique : celle de "L'Actualité Maritime". Il signale en quelques lignes l'arrivée des paquebots, le départ des cargos. Le journal pour lequel il écrit, c'est "Paris-Journal". José Moselli a beaucoup d'imagination. Il s'amuse à écrire pour lui des contes, des nouvelles. Un jour, dans un café des Boulevards, il rencontre un homme de Lettres, un romancier populaire, Eugène Brézol, qui travaillait pour le 3 rue de Rocroy, et qui fut celui qui servit d'agent de liaison entre José Moselli et les frères Offenstadt. Le jeune auteur confia quelques manuscrits et Eugène Brézol, les ayant lus, promit de les montrer à ses patrons. Bien mieux, José Moselli avait eu l'idée d'un roman d'aventures, dont il avait raconté le synopsis, un soir, au cours d'une rencontre au même café des Boulevards. Eugène Brézol l'invita à l'écrire et de lui confier le manuscrit. C'est ce que fit José Moselli. Et ce fut, comme toujours, l'attente, l'éternelle, la désespérante attente. Patientez, il n'y a rien de nouveau, mais cela ne saurait tarder ! Un jour, José Moselli se trouva place de La Fayette. La rue de Rocroy n'était pas loin. Il s'y rendit et s'arrêta devant la porte du 3. Un moment il hésita, puis sa décision fut prise. Il monta au premier et demanda à voir le directeur. Un monsieur très austère, épais sourcils, barbiche épaisse, yeux vifs derrière un lorgnon, le reçut. - Que désirez-vous ? - Des nouvelles de mon roman ! - Quel roman ? Nous n'avons rien de vous. C'est la première fois que je vous vois ici. - Mon roman ? Il a pour titre "W... Vert.." ! - Vous plaisantez. Nous avons bien un manuscrit de ce titre, mais il est signé Eugène Brézol ! - Ah ça, par exemple, c'est un peu fort ! Ne pouvant se contenir davantage, José Moselli éclata. Il raconta le scénario de "W...Vert..". Pas de doute, c'était bien la même histoire. Et les frères Offenstadt, après un bref conseil de guerre, proposèrent à José Moselli une intéressante collaboration. L'accord fut conclu et ratifié par un chèque. Le dimanche 6 novembre 1910, "L'Intrépide", qui en était à son 25° numéro, paraissait, dans une couverture jaune pâle, avec, en rouge, les 4 cabochons symbolisant les races humaines. L'illustration centrale était signée André Galland. Elle représentait, surmontée d'une tête de mort, léchée de chaque côté par la langue d'un dragon menaçant, une scène maritime des plus dramatique. Au premier plan, dans un canot automobile, quatre hommes se bagarraient et l'un d'eux tentait de balancer par-dessus bord son adversaire. Au second plan se trouvait arrêté un navire de guerre à 4 cheminées braquant un projecteur sur l'embarcation autour de laquelle rôdaient des requins affamés, tandis qu'un second rayon lumineux inondait de lumière un yacht blanc explosant à l'horizon. Ce dessin annonçait le début d'un roman d'aventures étranges, "W...Vert..", signé José Moselli. A la page 6 commençait le premier chapitre : "Le Mystère de la Gare du Nord", qui s'étendait sur la page suivante avec d'excellentes illustrations d'André Galland. C'était la première fois que le nom de José Moselli était offert aux nombreux lecteurs des Publications Offenstadt. Ils devaient le retrouver souvent. "W...Vert.." fut le début d'une fantastique collaboration. José Moselli allait bientôt devoir écrire plusieurs romans à la fois et fournir des dizaines et des dizaines de récits de tous genres, allant du roman d'aventures maritimes au roman policier, du récit de cape et d'épée au récit de Science-Fiction. Et cela en employant plusieurs pseudonymes. J'ai connu José Moselli, mais je ne peux dire que je fus un de ses intimes. Entre 1922 et 1939, j'ai moi-même travaillé pour la S.P.E. J'ai donné des articles, des reportages et des interviews à "Mon Ciné" et "Police Magazine", et des dessins au "Pêle-Mêle", à "L'Epatant" et aux autres publications des frères Offenstadt. Tous les collaborateurs se retrouvaient 2 fois par mois, rue de Rocroy d'abord, puis ensuite rue de Dunkerque. A chacun de nous, une employée remettait son chèque et rendait les articles ou dessins refusés. En même temps, on recevait un énorme rouleau de papier kraft contenant les exemplaires des deux dernières semaines de chacun des vingt sept journaux de la Société. En petits groupes on filait rue La Fayette, à l'agence de la Société Générale proche de l'Eglise Saint-Vincent de Paul. On s'empressait d'encaisser son chèque et l'on se débarrassait du rouleau encombrant en le donnant à l'employé du guichet. Quand j'y pense aujourd'hui ! ... Il y avait parfois avec nous José Moselli. C'était un homme petit de taille, un peu bedonnant, le cheveu plutôt rare, avec une mèche ramenée avec soin sur le devant. Derrière un lorgnon brillaient des yeux vifs, inquisiteurs ! Certains des "Grands" de la maison l'entouraient avec familiarité. Moi, hésitant, je me tenais à l'écart. Certes, j'ai échangé quelques mots avec José Moselli, mais je n'ai pas eu avec lui une longue conversation, tant il m'impressionnait et m'en imposait. Et pourtant, nullement prétentieux, bien que connaissant fort bien ses possibilités, il était effacé et distant. Il n'abusait pas de sa situation de privilégié et il aida plusieurs débutants en les recommandant aux frères Offenstadt. Certains, qui l'ont bien connu, assurèrent que parfois il se montrait mordant et même sadique. Doué d'une imagination débordante, il avait aussi une étonnante capacité de travail, écrivant à la fois, au début à la main, ensuite à la machine, jusqu'à dix romans à la fois, dont, chaque mois, il donnait les quatre chapitres nécessaires. Sans contredit il fut l'auteur-maison n°1 de la S.P.E. "W...Vert.." marqua donc le départ d'une merveilleuse carrière. L'importante documentation personnelle qu'il a réunie au cours de ses lointaines pérégrinations lui permit de succéder à Georges Le Mardeley à la rubrique "Echos du Monde Entier". Il la signa d'un curieux pseudonyme "Nord-22-Est". Le succès de "W...Vert.." incita les frères Offenstadt à demander à José Moselli des romans de plus en plus nombreux. José Moselli commença plusieurs sujets à la fois. A la première ligne il ne savait pas où il allait entraîner ses héros. Chaque semaine il dut fournir des chapitres avec un certain nombre de lignes, et qui finissaient avec ce qu'on appelle aujourd'hui un "suspens". Son imagination était si prodigue, que ses textes furent beaucoup plus nombreux que ceux des autres auteurs de la maison. Pour ne pas avoir l'air d'encombrer les journaux de la S.P.E. il signa des noms les plus divers : Jack Mahan, Captain Harry, Nord-55-Est, Pierre Agay, Ledam et Fauconnier, qui était le nom de sa grand-mère du côté paternel. Lorsqu'on fait l'inventaire de sa production, on demeure anéanti par sa diversité et sa quantité. José Moselli a commencé un roman fleuve dans "Les Romans de la Jeunesse", qui s'est achevé dans "La Croix d'Honneur". Par ailleurs, "La Collection d'Aventures", qui a eu 539 numéros, a publié 114 titres de José Moselli (voir notre n°5). Son roman "Le Roi des Boxeurs" - qui a commencé dans "L'Epatant" sous l'énigmatique signature de P. Picard, sans doute l'un de ses pseudonymes - a donné naissance à une série bon marché, 0, 20 francs, qui s'est échelonné sur 516 semaines, c'est-à-dire plus de dix années, avant de finir en encartage dans "L'As", pendant 79 semaines. José Moselli a donné dans "Le Petit Illustré" une série qui semblait ne devoir jamais s'achever, "Iko Térouka, le célèbre détective Japonais", chère à notre ami Paul Kenny. Autre série interminable : "Browning et Cie, détectives", parue dans "Le Cri-Cri". La S.P.E. avait un très sérieux hebdomadaire, "Sciences et Voyages". Dès le n°1 José Moselli publia un roman, "La Prison de Glace". Il devait en donner d'autres, dont l'extraordinaire "La Fin d'Illa", et aussi "La Montagne des Dieux" où il est question d'une étrange expérience dans un atoll du Pacifique qui relate avec une vingtaine d'années d'avance l'expérience de Bikini. Les amateurs de Science-Fiction se doivent de rechercher les récits de José Moselli parus dans "Sciences et Voyages", et dans les "Almanachs Scientifiques et Pittoresques". Les textes sont beaucoup plus soignés et mieux construits. Mais attention, la chasse sera dure, surtout pour les Almanachs qui ont eu des tirages modestes, sur un papier de qualité moyenne. Certains prétendent que José Moselli aurait écrit un important ouvrage sur "La Mer", un sujet qu'il connaissait fort bien. Mon ami Paul Mystère m'assurait, dans une de ses lettres, que ce texte avait paru dans la petite collection éditée par "Sciences et Voyages". J'ai feuilleté tous les numéros de cette revue, m'arrêtant sur tous les textes publicitaires. Je n'ai rien trouvé. A Cannes ; la compagne de José Moselli ne se souvient nullement de cet ouvrage. Ce que je puis assurer, c'est que dans "L'Intrépide" José Moselli a donné d'excellentes chroniques maritimes sous le titre "Drames et Mystères de la Mer". le premier épisode parut dans le n° 874, daté du 22 mai 1927. En même temps, José Moselli tenait sous la signature de "Nord-22-Est" la rubrique "Curiosités des Cinq Parties du Monde" et "Les Echos du Monde Entier". José Moselli est un auteur qui ne devrait pas tomber dans l'oubli. C'est pourquoi j'ai apprécié la tentative faite par notre ami Maurice Renault qui, lorsqu'il présidait avec talent, aux destinées de la revue "Fiction", publia dans les n°s 98 et 99, de janvier et février 1962, le texte intégral de "La Fin d'Illa", qui doit reparaître, accompagné de courtes nouvelles, dans une série, sorte d'Anthologie de la Science-Fiction. Mais revenons à Cannes. Celle qui fut la compagne de José Moselli me confia : - José Moselli fut bien payé. Mais il eut des débuts pas faciles. Ce ne fut que lorsqu'il se fût imposé, que les frères Offenstadt eurent constaté qu'ils avaient un auteur pas ordinaire, que les prix montèrent. Une fois, il restait sur un compte une somme de 20 francs que José Moselli ne cessait de réclamer à chacune de ses visites. Un jour, passant par hasard devant l'appartement de Maurice Offenstadt, il n'hésita pas à monter sonner. - Tiens c'est vous, Moselli ! Que voulez-vous ? - Mes vingt francs ! Excédé son interlocuteur fouilla dan les poches de son gilet et lui lança quatre pièces de cinq francs. José Moselli les prit, remercia son patron et s'en fut. Une autre fois, écrivant un roman d'aventures, il devait supprimer son personnage antipathique. Des larmes lui vinrent aux yeux. - C'est peut-être un salopard ! Quand même ça me fait quelque chose de le rayer du nombre des vivants ! Mais je vais lui faire un bel enterrement ! Et José Moselli puisa dans sa réserve de supplices, hésitant entre les fourmis rouges ou l'acide sulfurique ! La collaboration de José Moselli rue de Rocroy et rue de Dunkerque se poursuivit jusqu'au milieu des années 30. A cette époque il y eut des changements dans la direction. Des nouveaux venus tentèrent d'imposer leurs points de vue. On se permit de critiquer certains textes de José Moselli, on l'invita à revoir certains chapitres. Cela ne plut nullement à l'auteur qui plia bagages et quitta Paris pour la Riviéra, où il devait finir ses jours, satisfait du devoir accompli. José Moselli a pour ainsi dire travaillé exclusivement pour les frères Offenstadt. Certes, il a donné des textes au Docteur Crinon, le directeur de "Sciences et Voyages" qui dirigeait aussi, en dehors, une revue de luxe pour médecins, "Pallas", qui parut en 1934. A Cannes, il m'a été donné de feuilleter plusieurs numéros. Dans le n° 1, au sommaire, "Entre Pénang et Colombo", dans le n° 6 "Celui qui voulait vivre", dans le n° 9 "La Chola du Sunbean", trois nouvelles de José Moselli illustrées par André Galland. La collaboration entre les deux amis sera longue et féconde. Si au début de sa carrière, en 1910, José Moselli a fait une courte infidélité à la rue de Rocroy, c'est à André Galland qu'il le doit. En effet, "W...Vert.." a commencé le 6 novembre 1910. Six semaines plus tard, chez Jules Rouff, dans une modeste publication à 0,10 fr., "Le Conteur Populaire", on lit une nouvelle de José Moselli : "Noël Sanglant". Elle est illustrée, bien sûr, par André Galland, qui a beaucoup travaillé pour les Offenstadt et aussi pour Jules Rouff. Mais, sans aucun doute, les frères Offenstadt ont vu cette collaboration extérieure d'un très mauvais œil. Ils ont vivement invité la brebis égarée à rentrer au bercail. José Moselli a certainement donné l'exemple. Il a été copié au temps de son vivant. Aujourd'hui mort, il est pillé, massacré par certains auteurs - étrangers heureusement - qui se complaisent à le copier et à lui faire de très nombreux emprunts. J'en ai longuement parlé avec la compagne de José Moselli, et j'y pensais encore lorsque, ayant quitté mon aimable hôtesse et m'éloignant du "Balaton", je regagnais Cannes dans la pénombre du crépuscule. Je voyais rôder autour de moi des ombres inquiétantes, évadées des romans de José Moselli. Mais, non loin de moi, veillent le Roi des Boxeurs, Iko Térouka et Browning et Cie. J'étais en sécurité. Si certains dépouillent sans vergogne un Maître incontesté, que les amis de José Moselli se rassurent. Leur auteur favori n'est pas tombé dans l'oubli. Nombreux sont les Chasseurs d'Illustrés qui se penchent sur ses œuvres. Et, qui sait, dans quelques temps, nous reverrons peut-être en librairie plusieurs œuvres de José Moselli, telle "Les Gangsters de l'Air", qui fut publiée seulement en 28 fascicules et que la guerre interrompit. José Moselli en a écrit 62 et cela constitue, croyez-moi, un fameux bouquin. Ainsi, José Moselli pourra reprendre, sur ses plagiaires, une éclatante revanche.
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