— Non, les gars, j’vous jure, c’est forcément par là !! " — On a pas vu de panneau pourtant ... " — Mais merde à la fin, je sais lire une carte quand même !!!!! "

Outre le fait que nous fûmes une fois encore obligés de faire un demi-tour acrobatique sur une route étroite bordée de fossés, en constatant l’intelligence de l’Equipement breton (qui a pour habitude de n’indiquer une direction que sur un seul côté de la route...il faut donc toujours rouler en regardant dans son dos, histoire de ne pas louper un panneau), il faut bien avouer que la déception fut très grande.

Pas de nénettes en maillot de bain ?

     Tous trois joueurs de jeux de rôles depuis une dizaine d’années, fans de tout ce qui touche de près ou de loin au légendaire, nous ne pouvions que bondir d’excitation à l’idée de voir enfin de près la tombe de l’Enchanteur. Après un chemin sinueux et raide (sans signalisation, il va sans dire), nous arrivâmes devant trois pauvres cailloux et un vieux houx. Les autres touristes tiraient la même gueule que nous... (je cite) " Faire des milliers de kilomètres pour venir voir ça, si c’est pas malheureux ! " (fin de citation). C’est à ce moment précis que nous comprîmes que même l’imagination avait ses limites et qu’on ne pourrait jamais faire gober à des mecs comme nous que ces trois pierres néolithiques, dans les fissures desquelles quelques courageux (et junkies) croyants étaient venus glisser des petits mots...

Sur une pancarte décrivant le site, deux petites annotations rajoutées au crayon retinrent mon attention :

Ça, c’est sûr qu’il nous a rien fait. D’ailleurs, mon enfant, c’est avec plaisir que je te laisse avec ton tombeau de Merlin, ton herbe qui rend bête et ta jolie tenue de druide. Quant à moi, je m’en vais de ce pas à la carrière de ma ville récupérer trois cailloux pour faire un tombeau dans mon jardin. Y’a pas de raison !

C’est Merlin qui doit bien se marrer !!! Je le connais, c’est un sacré déconneur.

Un dernier petit mot pour saluer l’intelligence de l’Office du Tourisme et du malicieux inventeur de la marque déposée Tombeau de Merlin. Tant qu’y a des pigeons, y’a des thunes.

— Allez, on s’casse !

Franchement, vous ne pensez tout de même pas que Merlin se serait fait enterrer sous ces pierres ridicules ? Dois-je vous rappeler qu’il n’est même pas mort, mais prisonnier des " neuf cercles " immatériels que Viviane, la Dame du Lac, a créés au cœur de la forêt. Notre Enchanteur est partout et nulle part, il est La Forêt. Rien ne sert de croire en son existence pour penser qu’il vous entend. Les hommes sont aveugles, et ceux qui tentent maladroitement de faire resurgir les brumes du passé et les ombres des druides le sont encore plus.